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La définition du verbe « jouer » remise en question

Cécile Doyen

Cécile Doyen

L’expression « apprendre en jouant » semble des plus communes dans l’univers pédagogique de la petite enfance. Pourtant, en effectuant une recherche rapide en ligne, nous avons trouvé que « jouer » était défini comme « participer à une activité à des fins de divertissement et de récréation plutôt que dans un but sérieux ou pratique ».

Dans ce billet, nous nous intéresserons au thème « apprendre en jouant » en explorant le travail que fournit l’équipe chargée du développement du Programme primaire (PP) pour soutenir la communauté du PP dans ce domaine. Nous partagerons également les commentaires de Catherine Erpen, directrice adjointe de l’élémentaire et coordonnatrice du PP et de la petite enfance à la GEMS World Academy à Abou Dabi, qui a participé, à l’occasion de la conférence régionale de l’IB à La Haye, aux Pays-Bas, à une session animée par Cécile Doyen sur le thème du jeu dans l’apprentissage.

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Responsable en chef par intérim du développement du PP, Mme Doyen commençait ses sessions d’atelier en donnant la définition du verbe jouer (reproduite ci-dessus). Cette définition a suscité la réaction suivante chez Mme Erpen : « Cette définition, acceptée par tous, m’a rendue tout aussi mal à l’aise que Mme Doyen. À l’instar de nombreux professionnels de l’éducation ayant une expérience de l’enseignement dans la petite enfance, ce n’est pas la définition que je souhaitais entendre. »

Mmes Erpen et Doyen ne sont pas les seules à réagir de la sorte. En effet, sur les quelque 200 participants aux ateliers de Mme Doyen, 81 pensent que le jeu est essentiel dans l’apprentissage, 35 souhaitent que davantage de recherches soient effectuées sur ce thème et 49 ont exprimé le désir que davantage d’activités de perfectionnement professionnel soient organisées pour les professionnels de l’éducation comme pour les parents. En 2014, la LEGO Foundation au Danemark a réuni des innovateurs, des façonneurs d’opinion et des spécialistes de l’éducation pour réfléchir à la question suivante : « Comment convaincre le monde de redéfinir le jeu et de réinventer l’apprentissage ? ». Le groupe a examiné les plus récentes recherches sur le rôle du jeu dans le développement du cerveau et a débattu de la façon dont le jeu pouvait contribuer à améliorer la vie, à développer des communautés plus solides et à transformer l’expérience d’apprentissage.

« Comment convaincre le monde de redéfinir le jeu et de réinventer l’apprentissage ? »

La révision du PP n’en était qu’aux premières étapes lorsque l’événement LEGO a eu lieu. Pour Mme Doyen, les propos tenus à cet événement venaient confirmer les commentaires formulés par les établissements enseignant le PP à l’équipe responsable du programme. Ces établissements insistaient en effet sur la nécessité de recevoir une orientation accrue concernant le jeu et demandaient des explications claires sur la relation entre le jeu et l’apprentissage dans le cadre du PP. « Nous savons que le jeu forme la base de la créativité et de l’imagination, deux qualités que nous souhaitons développer chez les élèves en tant que citoyens du monde, d’aujourd’hui et de demain », a expliqué Mme Doyen.

Suggate 2012. The LEGO Foundation

Suggate 2012. The LEGO Foundation. Texte de l’image traduit par l’IB.

Des données d’une étude menée en 2012 par Suggate, qui s’inscrivent dans le cadre d’un nouveau corpus de recherche passionnant, ont indiqué que les élèves qui apprenaient à lire tardivement rattrapaient les élèves qui apprenaient la lecture plus tôt. Mme Doyen a invité le public de la conférence régional à réfléchir au fait que les enfants à qui on avait donné le temps de développer des compétences d’apprentissage au moyen du jeu et qui avaient appris à lire sur le tard, à l’âge de 7 ans au lieu de 5, à l’aide de techniques d’enseignement formelles étaient susceptibles de développer des compétences de lecture différentes à 11 ans. Ces derniers ont en effet développé une meilleure compréhension (voir le schéma ci-après), car ils ont eu davantage de temps pour construire du sens en participant à des recherches ouvertes et ludiques qui leur ont permis d’établir des liens.

Alors, que pouvons-nous faire pour soutenir l’apprentissage des élèves au moyen du jeu ?

À l’occasion de la conférence régionale annuelle de l’IB organisée à La Haye en octobre 2015 et du Teacher Skills Forum qui a eu lieu en Jordanie en décembre 2015, Mme Doyen a organisé des sessions d’atelier portant sur des stratégies d’enseignement visant à planifier et à évaluer l’apprentissage au moyen du jeu. Elle a mis l’accent sur trois processus déterminants pour l’apprentissage dont peuvent se servir les enseignants pour évaluer, contrôler et documenter l’apprentissage lorsque les enfants se livrent à des activités ludiques. Elle a également fait ressortir une série de trois perspectives à travers lesquelles les enseignants peuvent concevoir des activités et des environnements d’apprentissage qui promeuvent le jeu en tant qu’apprentissage reposant sur la recherche.

Mme Erpen s’est rappelée : « Lorsque nous avons exploré les recherches, nous avons passé en revue trois processus visant à documenter/contrôler l’apprentissage découlant du jeu chez les enfants : l’autorégulation, la langue et les compétences sociales. Nous avons ensuite réfléchi aux types de jeux qui pouvaient être organisés en fonction des étapes de développement, des relations et des environnements d’apprentissage. »

Par exemple, une approche ludique en matière d’apprentissage des langues peut contribuer grandement au développement des compétences de littératie au moyen :

  • d’environnements de jeux riches sur le plan linguistique ;
  • de la narration dans des contextes ludiques ;
  • du développement de compétences cognitivo-linguistiques (conscience phonologique, représentation symbolique, etc.) ;
  • de l’enchaînement logique d’étapes pour résoudre des problèmes (planification du jeu, etc.).

Adapté de : Christie et Roskos (2006), Hirsh-Pasek et Golinkoff (2003), Konishi et al. (2014)

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Des photos d’enfants en train de jouer permettaient aux participants à l’atelier d’évaluer à la fois les types de jeux et les processus d’apprentissage qui prenaient place. Elles leur donnaient également l’occasion de réfléchir à l’incidence que pouvaient avoir les différentes façons de diriger et d’amorcer le jeu sur l’expérience et les résultats en matière d’apprentissage. Voir le tableau ci-dessous.

  Dirigé par l’enfant Dirigé par l’adulte
Amorcé par l’enfant Jeu libre Jeu mixte
Amorcé par l’adulte Jeu guidé Enseignement direct

De retour dans son établissement à Abou Dabi, Mme Erpen a partagé son expérience de l’atelier avec ses collègues. Elle a déclaré : « [Cette expérience] a donné lieu à des discussions enrichissantes sur les types d’occasions fournies par les enseignants, ainsi que sur les manières dont nous pouvions renforcer l’apprentissage des élèves en assurant un plus grand éventail d’expériences de jeu suscitant un développement dans tous les domaines clés dans le contexte des modules de recherche. Il était intéressant de réfléchir à la forme que revêtaient les différents types de jeux dans nos salles de classe et à la mesure dans laquelle était représenté chacun des éléments du tableau [ci-dessus]. Nous venons tout juste d’entreprendre une réflexion plus approfondie sur ces aspects. Toutefois, je suis certaine qu’en réfléchissant posément et en mettant en commun les fruits de cette réflexion, nous développerons des stratégies visant à renforcer les expériences ludiques et à optimiser l’apprentissage des élèves ».

Et ensuite ?

Partagez votre expérience – Tandis que des organisations comme la LEGO Foundation et des professionnels de l’éducation du monde entier continuent de remettre en question la définition officielle du verbe « jouer », nous serions heureux de recevoir les commentaires des membres de la communauté de l’IB, entre autres, sur leur travail et leur expérience pour développer l’apprentissage des enfants à travers le jeu.

Mettez à profit le document et les autres ressources – Voici les diapositives et le document de l’atelier de Mme Doyen au Teacher Skills Forum qui a eu lieu en Jordanie en décembre 2015.

Participez à un atelier ou à un webinaire – Trouvez des ateliers de l’IB sur l’apprentissage basé sur le jeu destinés aux professionnels de l’éducation du monde entier ici ainsi qu’une présentation de ce à quoi vous attendre ici dans le catalogue 2016 des ateliers et des ressources de l’IB (disponible en anglais uniquement).

Et enfin…

Apprendre en jouant ne concerne pas que les enfants. Le mot de la fin revient à Mme Erpen : « J’ai envisagé le « jeu » depuis ma perspective personnelle. Je me suis mise à penser aux expériences ludiques qui pouvaient favoriser le même type de développement chez les adultes, tant sur le plan personnel que professionnel. Je suis convaincue que nos représentations personnelles du « jeu » peuvent être très différentes selon nos intérêts. Je suis une passionnée de surf des neiges. Je dois bien sûr développer des compétences individuelles pour développer mes muscles et mon contrôle de la planche, mais pour moi, le surf des neiges implique avant tout de développer des relations avec les autres, c’est une activité sociale. J’ai appris le langage associé à ce sport et j’ai développé mes compétences cognitives pour prêter une plus grande attention à ce qui m’entoure et réfléchir à la façon d’élaborer des stratégies pour améliorer mes résultats. Je suis convaincue que les compétences que j’ai développées sont similaires à celles que l’on développe avec le jeu. »


Références :