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Comment préparer les élèves à la quatrième révolution industrielle ?

À une époque où les nouvelles technologies opèrent rapidement des transformations sans précédent au sein de la société, il est indispensable de nous assurer que les élèves sont équipés de compétences adaptées. Le magazine IB World a enquêté.

« Nous sommes à l’aube d’une révolution technologique qui va fondamentalement changer nos relations aux autres ainsi que notre façon de vivre et de travailler », a écrit Klaus Schwab dans son livre, La Quatrième révolution industrielle. Pour le fondateur et président exécutif du Forum économique mondial, cette nouvelle ère « se caractérise par une fusion des technologies qui gomme les frontières entre les sphères physique, numérique et biologique ». M. Schwab a également appelé les gouvernements et les citoyens à s’assurer que ces technologies de pointe sont employées dans l’intérêt de l’humanité.

Cette révolution sans précédent a déjà commencé, sachant que l’intelligence artificielle (IA), la robotique, l’automatisation et l’analyse des mégadonnées commencent à envahir notre vie quotidienne. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 14 % des emplois risquent d’être entièrement automatisés et 32 % risquent de faire l’objet de changements considérables dans les 10 à 20 prochaines années.

Près de 130 millions de nouveaux métiers pourraient émerger d’ici à 2030, selon le rapport The future of Jobs Report 2018 (Rapport 2018 sur l’avenir des emplois), publié par le Forum économique mondial. Selon ce même rapport, les profils formés à l’utilisation de la technologie ainsi qu’aux « emplois qui exploitent spécifiquement les compétences “humaines” » devraient être de plus en plus recherchés.

Hans Vestberg, PDG de Verizon Communications, une entreprise de technologie, a affirmé l’année dernière dans un article pour le Forum économique mondial que les travailleurs de demain devraient apprendre à devenir les « meilleurs intendants de la technologie » et que l’étude des sciences humaines était tout aussi importante que l’étude des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques.

« Pour résumer, ce qu’il nous faut, ce sont des ingénieurs génétiques qui ont bien compris Le Meilleur des mondes et des historiens capables d’analyser des données poussées. Les sciences n’ont jamais eu autant de choses à apporter aux sciences humaines et inversement », a-t-il indiqué.

Comment pouvons-nous préparer la prochaine génération à évoluer dans ce nouveau monde ? Voilà le sujet qui agite l’IB et ses enseignants. Joel Adams, responsable de programme d’études pour les cours d’arts visuels et de société numérique du Programme du diplôme au sein de l’IB, a animé un atelier sur les compétences dont auraient besoin les élèves à l’avenir lors du Teacher Skills Forum 2019, organisé en Jordanie.

« Nous avons constaté que les compétences traditionnelles ne suffiraient pas aux élèves pour réussir dans un monde marqué par le changement, la disruption et la saturation médiatique et qu’ils devraient aussi se doter de certaines perspectives fondamentales et manières de penser propres aux sciences sociales et aux sciences humaines », a-t-il affirmé.

Selon Joel Adams, pour vivre, diriger et s’épanouir dans une société numérique, les élèves devront penser et se comporter en apprenants autonomes, en collaborateurs et communicateurs empathiques et créatifs, en utilisateurs critiques et informés, en citoyens et dirigeants intègres et en concepteurs imaginatifs et éthiques.

Apprendre à remettre en question

Pour Dennis Ross, directeur de la High School Technology au sein de l’American International School of Johannesburg (AISJ), en Afrique du Sud, les élèves devront apprendre à adopter un comportement éthique. « Les technologies numériques placent souvent le pouvoir entre les mains de la personne et ce sont ses propres principes moraux, valeurs et éthiques qui déterminent la manière dont elle utilise ce pouvoir. Ces aspects centraux sont explorés dans l’étude des sciences sociales », a-t-il indiqué.

« Il est impératif que les élèves prennent conscience de l’incidence de l’intelligence artificielle sur leur vie aujourd’hui et que les enseignants organisent des conversations en classe sur ce sujet, a ajouté Denis Ross. Les enseignants doivent apprendre aux élèves à ne pas rester passifs et à tout remettre en question. »

« En tant que professionnels de l’éducation, nous pouvons modéliser l’art du questionnement afin de diriger la recherche des élèves et de leur donner envie d’approfondir, a indiqué M. Ross. Les enseignants sont bien placés pour former les élèves à devenir des maîtres de l’apprentissage, à développer leurs compétences à un niveau qui leur permettra de comprendre les décisions prises par les entreprises et les gouvernements, et à devenir des citoyens informés et actifs. »

Un point de vue partagé par Shadrach Pilip-Florea, enseignant de sciences humaines dans le Programme d’éducation intermédiaire (PEI) et le Programme du diplôme à la Riverstone International School, dans l’Idaho, aux États-Unis. « Dans le monde actuel, où l’on peut de plus en plus accéder à l’ensemble des connaissances collectives de l’expérience humaine en réalisant une simple recherche sur Google, il est plus important que jamais de savoir poser les bonnes questions », a-t-il affirmé.

« L’observation et la curiosité sont les points de départ de la pensée critique. Les six principaux adverbes interrogatifs, à savoir, qui, quoi, où, quand, pourquoi et comment, sont accessibles aux élèves de tous les âges et forment la base de toute recherche et analyse éclairées. En sciences humaines, il est souvent demandé aux élèves d’analyser la valeur d’une source particulière. Cet exercice les amène à explorer non seulement ce qui est dit, mais aussi pourquoi et comment, ainsi que où et quand. En posant ces questions fondamentales et en examinant les implications des réponses qu’ils obtiennent, les élèves peuvent commencer à explorer des idées et des schémas complexes. »

Pilip-Florea demande à ses élèves de technologie de l’information dans une société globale (TISG) de concevoir leur propre utopie numérique en leur donnant la consigne de s’appuyer sur des technologies du monde réel. Cette tâche les amène à formuler des politiques stratégiques pour gouverner la technologie. Par exemple, lorsque les élèves présentent leur utopie à la classe, l’enseignant demande aux autres élèves de concevoir une dystopie en s’appuyant sur les mêmes technologies et politiques.

« La technologie modifie radicalement nos échanges sociaux et peut être utilisée à bon ou à mauvais escient. Si nous ne réfléchissons pas à toutes les implications potentielles lorsque nous concevons, réglementons et utilisons des technologies numériques, nous pourrions nous retrouver dans une dystopie dont nous aurons nous-mêmes été l’auteur », a-t-il ajouté.

L’enseignant est convaincu que l’empathie est la qualité la plus importante que doivent développer les élèves pour orienter leur pensée critique. L’empathie et l’imagination sont indispensables pour comprendre les limites et les conséquences possibles des modèles numériques. « Et surtout, ce sont des qualités essentielles si nous voulons innover et utiliser ces modèles pour bâtir un monde meilleur », a-t-il affirmé.

Répondre aux besoins humains

Bien sûr, les élèves ont besoin de développer des compétences techniques et conceptuelles pour devenir des concepteurs imaginatifs et éthiques. Les sciences, les mathématiques, le design et les arts ont tous un rôle important à jouer pour donner aux élèves la capacité de créer des technologies et de les utiliser pour résoudre des problèmes.

Joyce Lourenco Pereira, enseignante d’informatique du PEI et du Programme du diplôme à l’Atlanta International School, en Géorgie, aux États-Unis, nous a expliqué qu’elle s’efforçait d’inculquer quatre valeurs aux apprenants de son cours d’informatique : répondre efficacement aux besoins humains, retracer l’historique des idées et participer au développement de nouveaux chapitres, découvrir des schémas et des tendances pour prendre des décisions éclairées et se donner les moyens d’agir pour avoir une incidence positive au sein de leurs cercles d’influence. L’un des énoncés de recherche de son cours d’informatique du PEI est le suivant : « La possession du pouvoir, de l’accès et des connaissances s’accompagne d’un devoir moral ».

« Pour de nombreuses personnes, l’informatique se résume à la programmation. Cependant, les cours de TISG et d’informatique du Programme du diplôme et le site Code.org ont fait un travail formidable pour développer dans ce domaine des cadres qui couvrent le matériel, les logiciels, les réseaux, les données et leur incidence sur les gens et la société. Je suis intimement convaincue que l’informatique renferme la capacité de répondre efficacement aux besoins humains. »

Le cadre interdisciplinaire du PEI aide aussi les élèves à voir les liens entre les matières. Mme Pereira indique que le cours de sciences, de technologie, d’ingénierie, d’arts et de mathématiques qu’elle enseigne aux élèves de 8e année s’appuie énormément sur le cycle de conception pour développer des produits. Dans d’autres cours d’informatique, les élèves utilisent des algorithmes pour recréer des œuvres de Pablo Picasso et de Romero Britto.

L’apprentissage tout au long de la vie

Notre société connaît de rapides changements technologiques. Selon l’OCDE, la plupart des travailleurs devront continuellement ajuster leurs compétences grâce à l’apprentissage continu.

L’IB s’attache à inculquer la culture de l’apprentissage permanent dans tous ses programmes. Selon Will Richardson, consultant en éducation, qui s’est exprimé l’année dernière à la conférence mondiale de l’IB à Vienne :

« Dans le monde actuel, le plus important, c’est l’aptitude à apprendre et le fait de disposer de bonnes compétences d’adaptation afin de pouvoir gérer les changements environnementaux, économiques, politiques, technologiques et sociétaux majeurs qui commencent tout juste à émerger. »

Joel Adams, de l’IB, nous a expliqué comment le nouveau cours de société numérique du Programme du diplôme renforcerait les compétences des élèves en vue du monde de demain.

Le nouveau cours de société numérique (dont l’enseignement débutera en 2021) est une mise à jour du cours actuel de technologie de l’information dans une société globale (TISG). Près de deux ans plus tôt, l’IB et une équipe de professionnels de l’éducation ont décidé qu’il était temps d’apporter des changements importants à ce cours, non seulement pour mettre à jour son contenu, mais aussi pour intégrer les meilleures pratiques en matière de recherche, d’apprentissage expérientiel et de collaboration pour les élèves.

Ce n’est pas un cours sur les connaissances. Pour nous, si Google ou Siri peuvent répondre, c’est du temps d’apprentissage et d’enseignement perdu. Les jeunes attendent de plus en plus que leur scolarité formelle reflète la manière dont fonctionnent le monde et les affaires.

Le cours de société numérique repose sur la notion selon laquelle les enseignants et les élèves peuvent s’associer pour se préparer au monde et à la vie active de demain, et qu’un petit nombre de compétences essentielles, telles que la littératie médiatique, la citoyenneté numérique et les pratiques de pensée design, peuvent constituer une véritable valeur ajoutée dans la vie et les expériences des élèves une fois leur scolarité terminée.