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À mi-chemin entre l’art et la science

On considère généralement la médecine comme une science appliquée, mais est-elle plus qu’une simple science rigide et analytique qui repose principalement sur des données objectives ? Ancien élève du Programme du diplôme, Aaron Goh partage son point de vue sur la manière dont deux mondes opposés, l’art et la science s’unissent dans son cabinet médical. Il s’agit de sa deuxième contribution dans notre série visant à donner la parole aux diplômés de l’IB.

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Crédit photo : @joshchai8

Par Aaron Goh

« La médecine est à la fois une science et un art ; la science porte sur les détails et l’art sur l’exécution. »

Avant de suivre le programme de l’IB, j’étais un jeune de 16 ans influençable. À l’époque, mes amis se définissaient souvent comme étant plutôt « scientifiques » ou plutôt « littéraires ». Durant mes études à l’IB puis à l’université, je me suis vite rendu compte que ces barrières artificielles m’empêcheraient de rapprocher les disciplines opposées et pourtant étroitement liées de la science et de l’art.

J’avais pour ainsi dire un esprit « scientifique » et j’ai pu développer cet engouement sous l’œil attentif de mes enseignants. Naturellement, j’ai souhaité suivre un programme d’enseignement supérieur qui me permettrait d’allier ma passion pour les sciences à ma volonté d’aider concrètement les gens. Grâce à un concours de circonstances particulièrement favorables, je me suis vite retrouvé vêtu d’un sarrau blanc à prononcer le serment d’Hippocrate, comme tout nouvel étudiant en médecine.

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« Je prends l’engagement solennel de consacrer ma vie au service de l’humanité ; de prendre soin des malades et de contribuer aux progrès des soins de santé… »

Science

Cependant, peu de temps après avoir prêté serment, je me suis retrouvé mort d’ennui à éplucher un manuel d’immunologie. Mes études commençaient mal ! Le premier module, pertinemment intitulé « Introduction aux sciences médicales », nous a fait découvrir les subtilités des cellules du corps humain. Nous avons examiné les mécanismes moléculaires qui permettent à notre corps de fonctionner et nous nous sommes familiarisés avec des systèmes complexes qui nous étaient jusque là inconnus.

Malgré l’ingéniosité de ces systèmes, ce trop-plein de « science » n’était pas vraiment à mon goût ; nous passions des journées entières à mémoriser des informations et à décortiquer des menus détails qui ne m’inspiraient guère. La peine d’un confrère exprimée ici reflétait parfaitement mon état d’âme : « l’art de la médecine restait pour moi un mystère intrigant, enseveli sous une montagne de faits médicaux et de processus pathologiques à apprendre ».

Terminologie

La 3année de faculté de médecine se révéla pour moi un tout nouvel environnement d’apprentissage. Nous n’avions plus cours en salle de classe, mais à l’hôpital et nos patients étaient désormais nos enseignants. Durant cette année de transition, apprendre la médecine était un peu comme apprendre une langue étrangère. Les élèves des classes supérieures et les professeurs m’impressionnaient par leur façon de parler ; ils semblaient faire partie d’un cercle exclusif auquel on me permettait d’accéder petit à petit. Le vocabulaire spécialisé leur venait naturellement alors que je trébuchais sur les mots (essayez un peu de prononcer « oeso-gastro-duodénoscopie »). Au milieu de cette cacophonie de termes qui ne m’étaient pas encore familiers, ils échangeaient des informations précieuses sur la maladie des patients, les traitements médicamenteux et la posologie. Mais ce qui m’a le plus impressionné c’était de voir ces mêmes cliniciens simplifier ce jargon en un instant pour relayer ces informations à leurs patients. À mon sens, ceci représentait le summum de la communication, ce qui n’est pas évident. Nous devions peaufiner l’art de la communication durant notre formation, puis le classer parmi les nombreuses connaissances acquises en chemin.

Doutes

« La médecine est une double-discipline qui se situe à mi-chemin entre la vie et la mort. Elle exige des compétences interpersonnelles de même qu’un esprit d’analyse et elle couvre la gamme complète des émotions humaines… »

Cette année là, j’ai commencé à mieux comprendre l’art de la médecine, et que la science et la logique seules ne suffisent pas toujours pour établir un diagnostic. Un jour par exemple, une jeune femme s’est présentée aux urgences en raison d’une douleur abdominale non spécifique que même des examens approfondis ne parvenaient pas à identifier. Trois jours plus tard, il n’y avait plus de doutes : coliques du quadrant supérieur droit, taux de bilirubine et niveau de marqueurs inflammatoires élevés, suggérant une inflammation de la vésicule biliaire (cholécystite). Qui aurait pu diagnostiquer une cholécystite le premier jour ? J’avais rarement vu une cholécystite aussi atypique. Un médecin-chef avait alors plaisanté : « les pathologies ne font pas d’études », et je pense que cette réflexion est profondément pertinente.

Style

À l’instar des artistes qui ont tous leur propre style, les médecins ont eux aussi des singularités. En effet, ils communiquent tous différemment avec leurs patients. Ils peuvent par exemple faire preuve d’empathie de diverses manières. Certains sont entièrement à l’écoute alors que d’autres manifestent leur compassion par la parole ou le toucher. Et d’autres encore utilisent les trois à la fois !

Ces variations de style s’appliquent également aux examens médicaux. Un confrère m’a un jour adroitement corrigé alors que je prenais le pouls d’un patient : « votre technique n’est pas mauvaise, mais ce geste est plus professionnel », m’a-t-il dit en prenant la main du patient comme s’il lui serrait la main tout en appuyant le bout de ses doigts contre le battement continu du pouls radial. Nous étions très admiratifs et impressionnés par la finesse de ce clinicien. Une telle maîtrise s’acquiert uniquement avec l’expérience des années.

J’ai la chance inouïe d’exercer une profession qui se situe à mi-chemin entre deux disciplines opposées. À bien des égards, la médecine est une double-discipline qui se situe à mi-chemin entre la vie et la mort. Elle exige des compétences interpersonnelles de même qu’un esprit d’analyse et elle couvre la gamme complète des émotions humaines, de la joie jusqu’au chagrin. C’est pourquoi la pratique médicale est à la fois une science et un art. La science porte sur les détails, et l’art sur l’exécution. Je suis ravi de n’avoir jamais tout à fait perdu mon sens artistique, car c’est ce qui m’a permis de devenir un professionnel de la santé équilibré et efficace

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Aaron Goh a obtenu son Programme du diplôme de l’IB à l’Anglo-Chinese School (Independent) de Singapour en 2015. Étudiant en médecine à l’école de médecine de Lee Kong Chian à Singapour, il voue une réelle passion pour la condition humaine. Pendant son temps libre, il travaille en tant que bénévole pour la Boys’ Brigade, une association en faveur du mentorat et de l’épanouissement de la jeunesse. Il survit avec sept heures de sommeil par nuit et un café de temps en temps. Pour le contacter, cliquez ici ou @aarongohqy.

Pour en savoir plus sur les diplômés du Programme du diplôme, lisez les témoignages sur les programmes de l’IB. Si vous êtes diplômé(e) de l’IB et que vous souhaitez nous envoyer votre témoignage, écrivez-nous à l’adresse alumni.relations@ibo.org. Nous vous invitons à partager ces témoignages et à nous contacter sur LinkedIn, Twitter et maintenant Instagram !

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