Anthony Copeland, enseignant du Programme d’éducation intermédiaire, explique en quoi consiste la pensée informatique, comment elle nous aide à traiter des problèmes en utilisant de grands ensembles de données et pourquoi il est fondamental que les élèves acquièrent cette compétence. Il présente également les efforts déployés par la Fairgreen International School pour intégrer les compétences associées à la pensée informatique dans son programme de sciences dans le cadre d’un projet visant à faire de Dubaï une ville plus durable.
La pensée informatique est une matière qui ne cesse de gagner en popularité depuis le début des années 2000 alors que notre monde devient de plus en plus tributaire des ordinateurs. Et vous n’avez pas besoin de me croire sur parole, interrogez un ordinateur et vous obtiendrez les mêmes résultats que ceux présents dans la figure ci-dessous.
Maintenant, prenez un moment pour réfléchir à ce qu’il s’est passé ici : quelqu’un a conçu un système qui, à l’aide d’un algorithme, recherchera les occurrences d’un mot ou d’une expression dans l’ensemble du corpus de textes numérisés de Google. Cette exploitation de la puissance informatique nous a permis d’effectuer des recherches qui nous prendraient un temps rédhibitoire si nous ne pouvions pas déléguer le calcul à des appareils électroniques.
La pensée informatique est la capacité à structurer et à traiter des problèmes en s’appuyant sur la faculté de programmer des ordinateurs et d’exploiter les larges ensembles de données désormais disponibles. Dans notre monde tributaire des ordinateurs, c’est un outil incontournable que les élèves doivent impérativement apprendre à maîtriser. D’aucuns pourraient penser que cette compétence de pensée concerne uniquement les enseignants de technologie, mais, de fait, la pensée informatique peut être intégrée de bien des manières dans un éventail de matières.
Dans un article publié en 2016 et intitulé « How to Teach Computational Thinking » (comment enseigner la pensée informatique), Steven Wolfram, pionnier de la pensée informatique et développeur de l’outil d’information en ligne basé sur l’intelligence artificielle Wolfram Alpha, affirme qu’il n’y a presque aucune matière scolaire qui ne soit associée à un domaine émergent contenant le terme « informatique ».
La pensée informatique à la Fairgreen International School
La Fairgreen International School saisit cette occasion pour intégrer les compétences de pensée informatique dans son nouveau programme d’études de sciences du Programme d’éducation intermédiaire (PEI). Nous avons commencé par intégrer des activités qui enseignent les sciences au moyen de la programmation par blocs ou textuelle. Par exemple, dans notre unité de 2e année du PEI sur l’espace, les élèves sont encouragés à réfléchir à des arbres de décision qui pourraient permettre à un astromobile (rover) de résoudre des problèmes sur Mars. Ces arbres sont ensuite utilisés pour programmer des robots Lego EV3 en vue de les faire évoluer dans un environnement inconnu.
En plus de nous attacher à enseigner explicitement les compétences de pensée informatique, nous avons investi dans des ensembles de microcontrôleurs et de capteurs, en grande majorité des cartes Arduino Uno. Combinés, ces microcontrôleurs et ces capteurs permettront aux élèves d’utiliser l’électronique et la programmation pour construire des machines qui recueillent et traitent des données du monde réel. Nos élèves peuvent désormais commencer à concevoir leurs propres machines afin de mener des recherches scientifiques authentiques avancées.
« Bien que la technologie ne soit pas nécessaire pour pratiquer la pensée informatique, elle peut constituer une approche utile pour l’intégrer dans votre discipline. »
L’innovation fait partie de nos piliers et le fait de démystifier les logiciels et le matériel qui composent la technologie moderne permet à nos élèves de s’en servir comme d’un support de création. Bien que la technologie ne soit pas nécessaire pour pratiquer la pensée informatique, elle peut constituer une approche utile pour l’intégrer dans votre discipline.
Notre enseignement atteint son point d’orgue en 5e année du PEI, quand nous enseignons la pensée informatique dans le cadre de notre première unité de recherche. Dans cette unité, les élèves utilisent le langage de programmation Python pour transformer de grands ensembles de données qu’ils ont collectés en ligne ou à l’aide de capteurs numériques. L’énoncé de recherche de cette unité est le suivant : « Les systèmes informatiques permettent d’identifier des modèles et des fonctions complexes à des fins d’innovation scientifique et technique ».
Les questions factuelles communes que les élèves explorent tout au long de cette unité s’intègrent naturellement aux modèles et aux fonctions. Comme point de départ, nous invitons les élèves à réfléchir à des questions telles que « Les éléments du tableau périodique deviennent-ils plus grands au fur et à mesure que le numéro atomique augmente ? » ou « Quelle est la relation entre la hauteur d’une rampe et le temps nécessaire à un objet pour rouler jusqu’en bas de cette rampe ? », puis nous les encourageons à explorer des questions conceptuelles telles que « Comment Google Sheets ou Python nous permettent-ils de transformer nos données pour répondre à ces questions ? » et « Quels sont les avantages de suivre la vidéo d’un objet roulant en bas d’une pente plutôt que de le chronométrer avec un chronomètre ? » Ces questions nous amènent à nous demander si l’informatique a amélioré les sciences naturelles et à en discuter. Cette conversation est plus multidimensionnelle qu’elle peut le sembler de prime abord. En effet, les élèves ont émis des inquiétudes légitimes quant au fait que si l’informatique et l’automatisation peuvent représenter un énorme gain de temps, les ordinateurs qui réalisent ces calculs pour nous nous font perdre de plus en plus de connaissances et de compétences.
Exemples de projets d’informatique de 5e année du PEI
Nous avons débuté notre unité en apprenant à répondre à des questions en interrogeant des données issues d’ensembles de données de taille moyenne. L’un des ensembles que nous avons choisis pour cette unité est en rapport avec les éléments du tableau périodique. Pour commencer, nous avons utilisé l’application de tableur Google Sheets pour traiter les données dans un format facile et convivial pour les élèves. Arrivés en 5e année du PEI, les élèves ont l’habitude de traiter des tableaux de données comportant deux colonnes, mais ils n’ont pas l’habitude de réfléchir à la manière de résoudre des problèmes en utilisant des dizaines de colonnes de données.
Figure 2 : ensemble de données affiché sur Google Sheets (cet ensemble de données est disponible gratuitement ici).
Les élèves ont exploré les types de transformations de données pouvant répondre à différentes questions telles que « Les éléments du tableau périodique deviennent-ils plus grands au fur et à mesure que le numéro atomique augmente ? » Ils ont ensuite dû décomposer la question en données essentielles qui leur permettraient de trouver une réponse et ont dû réaliser une abstraction de l’ensemble de données de manière à ce que le fichier soit plus facile à gérer en vue de sa transformation et de la reconnaissance des modèles. La décomposition, l’abstraction et la reconnaissance des modèles sont autant d’idées essentielles au sein de la pensée informatique et ces termes sont utilisés de manière récurrente et pertinente tout au long de l’unité.
Une fois ces exemples explorés, les élèves ont dû trouver leurs propres questions de recherche et transformer l’ensemble de données afin d’en extraire des perspectives. Ce faisant, ils ont dû consigner le processus en réalisant des captures d’écran dont ils se sont ensuite servis pour créer une brève présentation qu’ils ont partagée avec le reste de la classe. Un exemple de présentation est disponible ici.
« Nous sommes impatients de voir comment nous réussirons à terme à relier nos unités électroniques à nos unités scientifiques sur les données. »
Une fois les élèves à l’aise avec cette approche, nous avons commencé à explorer comment nous pouvions utiliser le langage de programmation Python pour importer les données Google Sheet dans notre programme de manière à transformer les données en graphiques à l’aide des bibliothèques Pandas, MatPlotLib et Seaborn. Ce n’est pas un sujet facile et les élèves ont vraiment eu besoin d’être soutenus. Heureusement, des sites Web tels que Kaggle regorgent de ressources de qualité. Mieux encore, il existe désormais une application Google baptisée Colaboratory (ou « Colab »), grâce à laquelle le traitement des données avec Python devient un jeu d’enfant. N’hésitez pas à consulter cet article pour en savoir plus sur la manière d’utiliser Colab avec Google Sheets et Google Classroom et à ajouter vos propres projets aux exemples déjà fournis.
Figure 3 : grâce à quelques lignes de code, les élèves peuvent transformer leurs données en représentations visuelles de toutes sortes.
Prochaines étapes
Au moment de l’écriture de cet article, mes élèves venaient de commencer à explorer leurs propres ensembles de données volumineux à l’aide de sondes Vernier et d’une application mobile formidable baptisée PhyPhox, qui leur permet d’utiliser les capteurs présents sur leur téléphone pour recueillir des données. Google Science Journal, récemment racheté par Arduino, est une application similaire dont vous préférerez peut-être l’utilisation. Nous sommes impatients de voir comment nous réussirons à terme à relier nos unités électroniques à nos unités scientifiques sur les données.
Le Project Sunflower fait partie des projets que nous sommes en train de développer avec le programme Million Solar Stars. Dans le cadre de ce projet, les élèves sont invités à concevoir et à construire un panneau solaire qui suit le soleil et qui leur permettra de recueillir de nombreuses données solaires locales.
La prochaine étape consistera à recueillir ces ensembles de données et à réutiliser Google Colab afin d’explorer plus amplement l’utilité de Python pour identifier des modèles et des fonctions au sein de grands ensembles de données complexes. Notre établissement fait partie du projet visant à faire de Dubaï une ville durable, si bien que la durabilité se trouve au cœur de notre philosophie et de notre communauté locale. Nos élèves sont impatients d’utiliser ces nouvelles compétences et techniques pour contribuer aux efforts réalisés pour faire de Dubaï une ville plus durable.
Anthony Copeland a récemment intégré la Fairgreen International School, à Dubaï, où il a pris la tête du département de sciences après avoir travaillé au Renaissance College, à Hong Kong, en tant que formateur en technologies de l’apprentissage. Il a travaillé avec le Harvard Project Zero et l’ISTE afin d’explorer des méthodes visant à réussir l’intégration de cadres et de technologies tels que l’éducation des créateurs, l’apprentissage fondé sur des projets et l’intelligence artificielle (IA). Intéressé par la programmation et l’électronique, il a conçu et dirige Maker Learners, un espace au sein duquel les professionnels de l’éducation peuvent publier leurs propres projets d’apprentissage centrés sur les créateurs. N’hésitez pas à le contacter si vous souhaitez lui faire part d’un projet ou tout simplement en savoir plus.
Ce billet fait partie de notre série d’articles extraits du magazine IB World qui retracent les formidables initiatives entreprises par des élèves et des professionnels de l’éducation de l’IB du monde entier. Suivez des articles comme celui-ci sur Twitter, Facebook, LinkedIn, Instagram et YouTube, et n’hésitez pas à nous raconter votre histoire par courriel.
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