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Entre ludisme et ordre : les « pourquoi » et les « comment » de l’architecture contemporaine

Nous avons invité des diplômés du Programme du diplôme de l’IB à nous présenter des sujets et des concepts tirés de leur domaine de compétence. Sofia Singler, ancienne élève, a obtenu une bourse Gates Cambridge pour poursuivre son doctorat au département d’architecture de l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni. En tant qu’ancienne élève du Programme du diplôme, elle partage avec nous sa vision d’une carrière dans l’architecture.

Après avoir reçu un diplôme de l’IB du lycée Jyväskylän Lyseon Lukio, en Finlande, Sofia Singler a poursuivi ses études à l’Université de Cambridge et à la Yale University School of Architecture. Mention de source : Jason Kurzweil

Après avoir reçu un diplôme de l’IB du lycée Jyväskylän Lyseon Lukio, en Finlande, Sofia Singler a poursuivi ses études à l’Université de Cambridge et à la Yale University School of Architecture. Mention de source : Jason Kurzweil

Par Sofia Singler

L’aspect ludique est aujourd’hui considéré comme une vertu en architecture contemporaine : il suffit de jeter un œil rapide sur certains des bâtiments résidentiels, institutionnels ou commerciaux typiques de la décennie passée pour être submergé par un éventail de palettes de couleur kaléidoscopiques, de riches graphiques surdimensionnés et de systèmes structurels complexes. Les conceptions séculaires de l’ordre, de l’exactitude et de l’intemporalité ont été remplacées par un désir de spontanéité, de frivolité et d’impermanence, souvent exprimées de manière très littérale. Ces concepts sont importants en architecture, mais il semblerait que la compréhension que nous en avons aujourd’hui reste relativement simpliste : l’inconsistance est unanimement acceptée comme une jovialité plaisante dans l’ordonnancement de panneaux de façade ou dans l’agencement de dalles de sol, par exemple.

Toutefois, pour maîtriser le côté ludique, il faut tout d’abord en comprendre le sérieux. Un style ludique ingénieux n’est atteint que par une opposition contrapuntique à une réflexion solennelle, tout comme une asymétrie habile est toujours ancrée dans une solide maîtrise de la symétrie. L’architecture contemporaine pourrait s’élever du royaume de l’entrain superficiel pour atteindre la sphère plus raffinée du ludisme si elle commençait par se demander pourquoi et comment elle essaie d’exprimer la joie, la vitalité et la surprise dans sa composition et dans la syntaxe qu’elle utilise. Quelle relation entretient-elle avec les conceptions antérieures de la réalité et de la codification architecturales ? Sur quel registre « joue »-t-elle ? Pourquoi et de quelle manière ?

Tout au long de mon éducation et de ma pratique en architecture, j’ai cherché à comprendre les définitions et les compréhensions changeantes de l’ordre dans la discipline architecturale. J’apprends et j’exerce en ayant la conviction profonde qu’une grande partie de l’architecture actuelle agit trop tôt : elle oublie d’étudier les « pourquoi » et les « comment » avant de se lancer dans son ambition de se rendre ludique. Dans son ignorance, une grande partie de l’architecture actuelle échoue dans sa volonté d’exprimer le jeu de manière raffinée et se transforme en manifestations banales d’éléments aléatoires et novateurs.

L’architecture, en tant que discipline, mêle un certain nombre de domaines, de la psychologie et l’histoire aux mathématiques et aux arts visuels. L’objectif du Programme du diplôme de l’IB d’instruire des élèves largement informés disposant d’une intelligence holistique procure un fondement solide pour l’apprentissage multidimensionnelle complexe que requiert l’architecture.

Le fait que le Programme du diplôme de l’IB se concentre sur la philosophie de la connaissance m’a permis de disposer d’une base solide à partir de laquelle j’ai pu me poser les questions les plus importantes dans mon éducation à l’architecture : comment fonctionne le travail d’architecture aujourd’hui et pourquoi ? D’un point de vue méthodologique, se demander « comment » et « pourquoi » devrait constituer la base non seulement de l’architecture en tant que discipline, mais aussi de tout champ d’apprentissage. La recherche permanente des réponses à ces deux questions est ce qui fait du système éducatif de l’IB une étape aussi précieuse avant l’entrée dans l’enseignement supérieur. Les élèves de l’IB apprennent à apprécier l’importance des « pourquoi » et des « comment » tout au long de leurs études et plus particulièrement dans l’étude de la théorie de la connaissance. Ces questions forment le cœur de la philosophie de l’IB et servent également de point de départ pour toute recherche de design architectural : pourquoi construisons-nous et comment devrions-nous procéder ? Pourquoi la symétrie a-t-elle historiquement été considérée comme une expression de la vérité et comment devrions-nous nous positionner par rapport à cela dans le cadre de notre réalité socioéconomique, philosophique et culturelle actuelle ?

L’architecture, en tant que discipline, mêle un certain nombre de domaines, de la psychologie et l’histoire aux mathématiques et aux arts visuels. L’objectif du Programme du diplôme de l’IB d’instruire des élèves largement informés disposant d’une intelligence holistique procure un fondement solide pour l’apprentissage multidimensionnelle complexe que requiert l’architecture. La structure même du Programme du diplôme, soigneusement équilibrée entre langues, arts et sciences, reflète les conditions transdisciplinaires qui définissent la richesse de ce domaine qu’est l’architecture. Tout comme les « pourquoi » et les « comment » sont au centre de toute recherche de design architectural, ces questions sont également au cœur de l’éducation de l’IB. Les complexités et les synergies induites par une collaboration interdisciplinaire, que ce soit au sein du cabinet d’architecture ou dans le cadre du Programme du diplôme, sont ancrées dans la théorie de la connaissance.

Après avoir obtenu un diplôme bilingue du Baccalauréat International de l’établissement Jyväskylä Lyceum en 2010, j’ai obtenu un diplôme de premier cycle en architecture à l’Université de Cambridge. J’ai travaillé en tant qu’architecte junior à Boston, dans le Massachusetts, pendant un an avant d’entamer mes études de deuxième cycle en architecture à l’Université de Yale, où j’effectue aujourd’hui le dernier mois de mon cursus. En octobre, je retournerai à Cambridge, pour commencer cette fois-ci un doctorat en architecture afin d’étudier l’histoire et la théorie de l’architecture au XXe siècle grâce à une bourse de la Fondation Bill et Melinda Gates. L’héritage le plus significatif que je retiens de mon expérience de l’IB est la rigueur avec laquelle le Programme du diplôme nous rappelait, en tant qu’élèves, de ne jamais oublier de poser les questions les plus élémentaires entre toutes. Ces questions m’ont accompagnée tout au long de mon éducation à l’architecture, pendant laquelle j’ai cherché à créer les conditions pour une architecture répondant à des idéaux culturels tels que le ludisme, avec une réflexion sur moi-même et une conscience critique. Si nous voulons exprimer l’absence d’ordre, nous devons au préalable comprendre l’ordre, et cette compréhension repose sur les questions « pourquoi » et « comment ».

Sofia Singler a obtenu une bourse Gates Cambridge pour poursuivre son doctorat au Département d’architecture de l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni. Ses recherches se concentreront sur l’histoire et la théorie architecturales du XXe siècle.

Les bourses Gates Cambridge, attribuées par la Fondation Bill et Melinda Gates, font partie des bourses internationales les plus prestigieuses et les plus demandées au monde, environ 3 % des candidatures étant acceptées chaque année. Le programme de bourses Gates Cambridge a été mis en place en octobre 2000, grâce à un don de 210 millions de dollars de Bill et Melinda Gates à l’Université de Cambridge, afin de soutenir des étudiants des cycles supérieurs accomplis sur le plan scolaire et ayant la capacité de contribuer de manière significative à leur discipline à l’échelle mondiale.