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Comment faire de vos élèves des experts de la connaissance ?

Par Luís Campos Ferreira, Olivia Kelly, Sarah Román-Quezada et Taila Senanu 

Le cours de théorie de la connaissance, plus communément connu par son sigle « TdC » au sein de la communauté de l’IB, joue un rôle particulier dans le Programme du diplôme. Ce cours amène les élèves à explorer la nature de la connaissance et à examiner comment nous connaissons ce que nous affirmons connaître. Il occupe également une place centrale dans la philosophie éducationnelle du Programme du diplôme. La TdC se compose presque entièrement de questions, dont la plus importante est certainement « Comment savons-nous ? »

Sarah Román-Quezada, Taila Senanu, Olivia Kelly et Luís Campos Ferreira

Chaque année, à la Lincoln Community School, à Accra, au Ghana, les élèves du cours de théorie de la connaissance de M. Anagnost réalisent une série d’entretiens sur la TdC. Ils choisissent un domaine de la connaissance qu’ils souhaitent explorer de manière approfondie à travers une série de discussions avec un membre du corps enseignant de l’établissement. Les élèves doivent se réunir avec cette personne au moins trois fois. Cet exercice leur donne l’occasion d’appliquer dans un contexte de la vie réelle les compétences et les concepts qu’ils ont appris et mis en pratique dans la salle de classe (cadre conceptuel de la connaissance, modes de la connaissance, méthodes/moyens de justification, relation entre les connaissances partagées et les connaissances personnelles, rôle des experts, etc.), et ce, aux côtés d’un expert. À la fin de leur 1re année, les élèves produisent un rapport sur la base des conclusions qu’ils ont tirées de ces discussions et de leurs recherches.

Cette série d’entretiens est unique, étant donné que chaque élève doit trouver un expert en dehors du contexte habituel de la salle de classe. En partageant notre expérience, nous espérons que nous inspirerons d’autres lecteurs de l’IB à mettre en place ce type d’activité. Voici ce que chacun de nous a pensé de cette expérience, et ce que nous en avons tiré.

L’expérience de Luis

De nombreux enseignants font souvent face à des contraintes de temps. Ils ont un nombre limité d’heures pour enseigner le programme d’études. Grâce à la série d’entretiens sur la TdC, j’ai pu approfondir ma compréhension des arts auprès de Mme Vitale (qui enseigne le théâtre dans le premier cycle du secondaire) sans subir les contraintes de la salle de classe. Nous avons étudié une unité sur les arts en cours et les discussions de la classe ont toutes porté sur l’idée du relativisme au sein des domaines de la connaissance et sur le rôle que jouait le spectateur dans l’identification du support. Cette unité a soulevé des questions sur la mesure dans laquelle les systèmes de connaissances des cultures autochtones influençaient notre perception de l’art, par exemple. Cette série d’entretiens a été très enrichissante, car elle m’a permis d’approfondir ces questions avec une experte. Nous avons eu des conversations sur la relativité du concept de la « beauté » selon le contexte culturel et sur la possibilité de définir une norme universelle pour les arts. Ce type de tâches est presque obligatoire dans un cours aussi rigoureux que la TdC, car elles donnent aux élèves le temps et l’autonomie nécessaires pour digérer et décomposer de nouvelles informations.

L’expérience d’Olivia

Olivia Kelly et M. Mischler, enseignant de mathématiques, avec qui elle s’est entretenue dans le cadre de son travail pour la TdC.

Prior to the interview process, I had always viewed subjects at school as being easily divisible into two categories: maths/sciences and arts/humanities. However, this process and my discussions with Mr Mischler (high school mathematics teacher) proved to me how untrue this is. One of the most interesting things I discussed with Mr Mischler was the connection to religious knowledge systems, which was something I never believed could be related to mathematics. This, in turn, led us to a debate regarding the role of certainty in this area of knowledge. The interview process has made me much more open-minded and able to find patterns and connections, demonstrating that all of the areas of knowledge truly are very closely related.   

L’expérience de Sarah

L’un des aspects les plus satisfaisants de l’exploration des arts que j’ai menée dans le cadre de la série d’entretiens sur la TdC, c’est que j’ai pu appliquer mes nouvelles connaissances dans ce domaine à d’autres domaines de la connaissance. Dans certaines des conversations que j’ai eues avec Mme Brink (enseignante d’arts au niveau élémentaire), nous avons non seulement discuté du cadre fondamental des arts, mais nous avons aussi transféré nos connaissances à différents domaines tels que l’éthique et l’histoire. Par exemple, nous avons discuté de l’œuvre très connue d’Andres Serrano, Piss Christ, sous un angle éthique. Mme Brink trouvait cette œuvre immorale alors que moi, j’admirais le courage de l’artiste. Rien que dans cette discussion, le fait que nous avions des points de vue opposés a non seulement démontré que les arts suscitaient des réactions multiples capables de faire naître des désaccords entre les experts, mais aussi que l’éthique pouvait jouer un rôle dans l’évaluation d’une œuvre d’art. La série d’entretiens a pris tout son sens avec ces discussions. Maintenant, je sais que ces nouvelles connaissances me seront utiles tout au long de ma vie, que ce soit dans un contexte scolaire ou dans la vie en général.

L’expérience de Taila

Taila Senanu et Travis Bishop, enseignant de sciences humaines, avec qui elle s’est entretenue dans le cadre de son travail pour la TdC.

Au départ, j’avais une compréhension assez simple de l’histoire en tant que domaine de la connaissance. L’histoire ne consiste pas, comme je le pensais au début, à dresser la liste de tout ce qui s’est déroulé dans le passé, mais plutôt à comprendre une sélection d’événements importants du passé. Les discussions que j’ai eues avec M. Bishop (qui enseigne les sciences humaines dans le deuxième cycle du secondaire) m’ont montré qu’il est impossible de connaître le passé avec certitude, mais qu’il est possible de nous faire une idée de l’histoire grâce aux preuves dont nous disposons. Par exemple, dans son cours, M. Bishop présente à ses élèves des preuves sur la montée de Mussolini au pouvoir. Les élèves regardent les documents, mais ne les interprètent pas tous de la même façon. Ces désaccords montrent qu’il est possible de tirer des conclusions différentes d’une même sélection de preuves. J’attache beaucoup d’importance à la recherche en tant qu’apprenante de l’IB. Face à cette absence de certitude sur l’histoire, M. Bishop m’a expliqué que les élèves devaient apprendre à poser des questions et à discuter sainement de leurs désaccords. Grâce à cela, je comprends mieux le rôle de la certitude en TdC, car je sais que c’est en discutant de nos désaccords que nous prenons conscience de l’incertitude de chaque chose que nous pensons savoir. Nous avons également parlé de la manière dont les connaissances en histoire influaient sur les connaissances personnelles des individus. Cela m’a amenée à penser que nous avions peut-être une obligation d’avoir des discussions pour nous approcher le plus possible de la vérité.

Nous avons terminé nos exposés de TdC et réalisé les premières étapes de notre essai, si bien que nous avons déjà pu remarquer l’avantage que nous avions sur les élèves qui n’avaient pas eu l’occasion d’échanger avec des membres du corps enseignant dans le cadre de ces entretiens sur la TdC. En effet, contrairement à nous, ils n’avaient pas eu l’occasion de discuter avec des experts résolument engagés à produire au quotidien des connaissances dans leur discipline, et ils n’avaient pas pu apprendre d’eux. Nous avons pu voir l’incidence que les modes de la connaissance et les méthodes ou moyens de justification avaient dans leur salle de classe et dans le monde réel, et ce constat nous a aidés à développer nos compétences de pensée critique. Cet exercice nous a permis à tous les quatre de bénéficier d’une expérience extrêmement fructueuse, et nous nous sentons mieux préparés pour affronter les prochains obstacles qui se présenteront à nous pendant le cours de TdC et dans la vie en général.