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Quelles sont les idées les plus influentes en matière d’apprentissage de la langue à l’heure actuelle ?

Par Susan Stewart 

Qu’est-ce qu’une personne multilingue ?

Une personne multilingue est une personne qui utilise régulièrement au moins deux langues, même si les élèves multilingues emploient parfois les différentes langues qu’ils maîtrisent de manière très différente. Ils peuvent en utiliser certaines pour communiquer (de manière informelle) avec les membres de leur famille et en employer d’autres uniquement à l’extérieur de chez eux, dans un contexte social ou scolaire. Beaucoup d’élèves n’utilisent pas la langue d’enseignement à la maison ou au sein de leur communauté et l’apprennent au sein de l’établissement. Le multilinguisme est donc une notion complexe. Mais que savons-nous des expériences des élèves multilingues en milieu scolaire ? Et en quoi ces expériences peuvent-elles différer selon que les élèves évoluent dans un contexte scolaire international, local, privé ou public?

Les journées scolaires sont structurées de manière compartimentée. L’emploi du temps indique aux élèves quand ils doivent interagir avec les autres, faire de l’exercice, faire preuve de créativité ou utiliser une langue particulière. Cependant, en réalité, les élèves multilingues ne fonctionnent pas de cette manière et n’activent pas et ne désactivent pas leurs langues à la demande. Les langues servent principalement à communiquer et à se développer sur le plan cognitif. Or, si un élève multilingue doit se limiter à n’utiliser qu’une seule langue dans un contexte particulier, il ne pourra pas progresser dans son apprentissage ou apprendre à communiquer efficacement. Cela est d’autant plus vrai si l’élève est en train d’apprendre la langue d’enseignement.

Mixed media illustration of people speaking different languages. Unity. Togetherness

L’importance de comprendre les profils linguistiques

« Cependant, pour un grand nombre de nos élèves, leur langue maternelle n’est plus, ou n’a jamais été, leur langue la plus forte. »

Pourquoi devons-nous comprendre la complexité des profils linguistiques et de l’usage de la langue chez nos élèves pour comprendre les idées les plus influentes en matière d’apprentissage de la langue à l’heure actuelle ? C’en est fini du mythe du parfait bilingue, cet être exceptionnel capable d’aborder n’importe quel sujet de conversation dans ses deux langues, tant dans des contextes sociaux que scolaires. De fait, la notion de « parfaitement bilingue » n’est plus considérée comme un terme valide ou comme un objectif à atteindre. On a longtemps employé le terme « langue maternelle » pour désigner la première langue d’une personne multilingue, qui était systématiquement considérée comme sa langue la plus forte. Cependant, pour un grand nombre de nos élèves, leur langue maternelle n’est plus, ou n’a jamais été, leur langue la plus forte. Beaucoup emploient cette langue dans des contextes spécifiques et non en tant que langue dominante, et ce, qu’ils parlent une ou plusieurs langues à la maison.

En revanche, il a été observé de manière informelle et dans les travaux de recherche en linguistique appliquée que les personnes multilingues utilisent leurs langues de manière hybride et flexible pour communiquer, pour acquérir de nouvelles connaissances et intégrer de nouveaux concepts, et pour forger leur identité. Le choix de la langue utilisée est parfois conscient, parfois subconscient. De la même manière que nous adaptons tous notre registre en fonction de la personne à laquelle nous nous adressons, que ce soit un ami, un collègue ou notre grand-mère, une personne multilingue choisira d’utiliser une ou plusieurs langues, ou une combinaison de ces langues, en fonction de la situation. Plusieurs termes ont été utilisés par les chercheurs pour décrire la flexibilité avec laquelle les personnes multilingues utilisent leurs langues, tels que l’« alternance codique », le « passage », ou le « translanguaging ».

« L’apprentissage d’une nouvelle langue ne survient pas de manière isolée, nous nous reposons activement sur notre compréhension métalinguistique pour développer notre aptitude à comprendre et à nous exprimer dans cette nouvelle langue. »

Group of happy smiling young people with speech bubbles in different languages. Male and female faces avatars in modern design style. Communication, teamwork, assistance and connection vector concept

Une personne multilingue s’appuie sur son répertoire de langues non seulement pour s’exprimer, mais aussi pour étayer sa compréhension. Lorsque nous apprenons une nouvelle langue, nous nous appuyons tous sur le vocabulaire et les structures grammaticales de nos autres langues pour appréhender les nouveaux mots et les nouvelles phrases que nous entendons. Notre capacité à trouver des points communs et des différences entre ces langues nous aide à développer notre aisance d’expression dans cette nouvelle langue. L’apprentissage d’une nouvelle langue ne survient pas de manière isolée, nous nous reposons activement sur notre compréhension métalinguistique pour développer notre aptitude à comprendre et à nous exprimer dans cette nouvelle langue. Ce transfert de compréhension d’une langue à une autre ne fonctionne pas que dans un sens, mais dans les deux sens, car le fait de comprendre la grammaire d’une nouvelle langue peut aussi nous aider à comprendre des choses dans nos langues les plus fortes.

Comment se manifeste ce multilinguisme dans la salle de classe?

Le cours de développement d’une langue seconde du Programme à orientation professionnelle illustre parfaitement ces propos. Le fait de prendre en compte l’intégralité du répertoire linguistique des élèves nous permet de témoigner de la reconnaissance et du respect à l’égard de toutes les langues et de nous éloigner de l’approche plus traditionnelle qui consiste à concentrer nos efforts sur le fait que l’élève acquière une aisance d’expression dans la langue d’enseignement. Nous sommes conscients du fait que toutes les langues jouent un rôle important dans le développement de nos élèves. Même si nous ne maîtrisons pas ces langues, nous pouvons encourager les élèves à réfléchir sur un mot, une expression ou un concept particulier dans leurs autres langues.

Par exemple, nous pouvons demander aux élèves de comparer une expression comme « l’herbe est toujours plus verte ailleurs » dans plusieurs langues afin de les aider à comprendre comment fonctionnent les tournures idiomatiques. Récemment, un élève nous a expliqué qu’il employait la même expression dans sa langue, à l’exception du terme « ailleurs », qui devenait « chez le voisin ». Un autre élève nous a ensuite expliqué que l’anglais et d’autres langues étaient utilisés de manière interchangeable sur les plateformes de jeux en ligne et que les joueurs utilisaient des expressions et des métaphores empruntées à plusieurs langues. Ces petites conversations sont enrichissantes, à la fois pour les élèves et pour les enseignants, et permettent aux élèves multilingues de nous apprendre de nouvelles choses !

Si vous souhaitez en savoir plus ou participer à la révision du programme d’études du cours de développement d’une langue seconde, veuillez envoyer un courriel à l’adresse cpdevelopment@ibo.org.

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Susan Stewart est membre de l’Institut de recherche sur les établissements de premier cycle du secondaire de l’International School of London et présidente du groupe d’intérêt MLIE (sur l’apprentissage multilingue dans l’éducation internationale) de l’organisation ECIS. Mme Stewart a vécu et travaillé en Thaïlande, aux Émirats arabes unis, en Afrique du Sud, en Belgique, à Oman et en Suède, et a élevé deux enfants bilingues qui sont devenus de véritables globe-trotteurs. Elle est titulaire d’un diplôme de premier cycle en linguistique et en français et d’un diplôme de deuxième cycle en linguistique appliquée et en communication qu’elle a obtenus au Birkbeck College de l’Université de Londres. Elle parle anglais, français, allemand, afrikaans, suédois et arabe et ne cesse d’apprendre de nouvelles langues. Elle promeut activement l’utilisation des langues parlées à la maison au sein de la communauté locale et organise régulièrement des ateliers visant à aider les parents à élever des enfants bilingues dans des environnements monolingues. Elle soutient par ailleurs un groupe d’établissements enseignant les langues d’origine au sein de la communauté locale et s’intéresse aux interactions entre les écoles (internationales) et les communautés parlant la langue locale.