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Résilience, ingéniosité et résistance face à la guerre : « Rien ne devait faire obstacle à l’éducation de nos élèves »

En janvier 2022, l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie représentait une menace bien réelle. À Kyïv, la Pechersk School International (PSI) venait de fêter les 21 ans du déploiement des programmes de l’IB et accueillait 550 élèves.

Nous avons discuté avec Rachel Caldwell, la chef d’établissement, pour comprendre les répercussions de la guerre pour la communauté scolaire, le soutien indéfectible des autres écoles du monde de l’IB, et pour en savoir plus sur la campagne #PSI4Good – dont l’objectif ultime est de retourner à Kyïv et de contribuer à la restructuration de l’Ukraine.

Quelles répercussions l’invasion russe en Ukraine a-t-elle eues pour votre communauté scolaire ?

Le 17 janvier, au regard de l’escalade du conflit et de la multiplication des alertes à la bombe, le conseil d’administration de la PSI s’est réuni pour examiner les mesures et les procédures en place dans l’établissement.

Le 28 janvier, nous avons pris la décision de fermer temporairement le site afin de permettre aux familles et aux collègues qui le souhaitaient de quitter le pays, comme le conseillaient plusieurs ambassades. Cinq jours plus tard, plus de 200 élèves étaient de retour sur site. Les collègues de l’étranger qui avaient choisi de rester ont œuvré main dans la main avec leurs homologues ukrainiennes et ukrainiens afin de continuer à assurer un emploi du temps équilibré à l’ensemble des élèves, à la fois sur site et en ligne.

Le 24 février, nous avons dû fermer complètement le site en raison de l’invasion massive, ce qui a entraîné la dispersion de nos élèves, des membres du personnel et du corps enseignant à travers le monde. Nombre de nos collègues ont dû se déplacer ailleurs dans le pays. Nous avons dégagé de leurs responsabilités d’enseignement celles et ceux qui se trouvaient encore en Ukraine, mais la plupart ont persévéré.

Après des mois de perturbations liées à la pandémie, les familles déjà touchées par la guerre redoutaient l’enseignement à distance. Souvent, leurs enfants avaient besoin d’interactions en personne avec leurs camarades. Paul Buckley, chef d’établissement de l’American School of Zagreb, une autre école du monde de l’IB, a fait le premier geste. Il a proposé d’accueillir des élèves d’établissements de la CEESA (Central and Eastern European Schools Association) touchés par l’invasion pour le reste de l’année scolaire 2021 – 2022, et ce, sans frais de scolarité. Au total, 70 établissements scolaires à travers le monde ont reçu 130 de nos élèves gratuitement, et ont hébergé et aidé nombre des membres de notre personnel.

Comment la direction de l’établissement a-t-elle garanti la continuité de l’enseignement et de l’apprentissage ?

Nous avons planifié la reprise de l’apprentissage en ligne à partir du 28 février, en mettant l’accent sur le bien-être social et psychologique des élèves et en leur donnant tout loisir de parler, tout simplement. Avant cela, nous avions convié l’ensemble de nos collègues à une session de soutien en ligne animée par Ellen Mahoney et son groupe Sea Change Mentoring. Nous en avions grand besoin. Nous avons demandé de l’aide à d’autres établissements scolaires de la région, et nous avons affecté une personne-ressource bénévole à chaque classe en ligne. Tous et toutes ont puisé des forces dans ces démarches.

« En nous concentrant sur notre mission, c’est-à-dire l’apprentissage et le bien-être des élèves, nous avons trouvé force et détermination. »

Le conseil d’administration de la PSI était bien préparé et s’est montré proactif. Il s’est tenu à la disposition de l’équipe de direction à tout moment, et, ensemble, nous avons présenté un front uni et déterminé.

 « Rien ne devait faire obstacle à l’éducation de nos élèves. C’était une période de grande tension, de stress. De mars à juin, nous avons fait tous nos efforts pour assurer la continuité pédagogique en ligne. Lorsqu’il est apparu évident que la guerre ne finirait pas de sitôt, nous avons commencé à envisager différents scénarios pour l’année scolaire 2022 – 2023. À la rentrée de 2022, nos effectifs florissants avaient chuté de plus de 80 %. »

C’était une question de survie pour la PSI, établissement scolaire à but non lucratif financé exclusivement par les frais de scolarité et une modeste dotation de l’Office of Overseas Schools. Par chance, Tim Carr, conseiller supérieur du prestigieux et visionnaire organisme Avenues The World School, a prêté main-forte à la PSI. Il était présent lors d’une conversation en ligne à propos de notre situation organisée par Laura Light, directrice générale de l’Association for the Advancement of International Education (AAIE). Au cours des mois qui ont suivi, sur les conseils prévenants et généreux de Tim, nous avons établi des bourses humanitaires pour permettre aux élèves de la PSI de s’inscrire à un programme d’apprentissage à distance mené conjointement par la PSI et Avenues Online (AON). AON n’acceptant aucun paiement, la PSI a pu réduire largement ses frais de scolarité, au bénéfice non seulement de nos familles, mais aussi de notre établissement, qui doit absorber le choc après avoir perdu plus de 80 % de sa population étudiante.

Un autre soutien fidèle de la PSI, Jon Zurfluh, directeur de l’American School of Warsaw (ASW), s’est déclaré ouvert à une solution de type « PSI à Varsovie ». Parmi les options de relocalisation, Varsovie était plébiscitée par nos familles. Après la visite d’autres sites potentiels, le site de l’ASW s’illustrait comme point de chute idéal. Notre conseil d’administration a écrit à celui de Jon, un protocole d’accord a été rédigé, puis ce fut le départ… C’est ainsi que nous avons pu garantir la continuité pédagogique pour l’ensemble des élèves de la PSI. Aujourd’hui, la planification de différents scénarios pour l’année scolaire 2023 – 2024 a bien avancé.

Pouvez-vous nous parler de la résilience des élèves, du personnel, des parents, et de toute la communauté scolaire de la PSI pendant cette période ?

Notre communauté a fait preuve d’une résilience extraordinaire. Maintenir des liens était crucial, et nous avons tout mis en œuvre pour ce faire. Le corps enseignant s’est montré à la hauteur des circonstances. Toutes et tous ont mobilisé leur expérience et leur délicatesse pour transmettre bienveillance, calme et espoir aux élèves. Après l’invasion, avec l’aide de proches et de groupes de soutien, nous avons organisé l’évacuation de nombre de collègues et de membres de la communauté du voisinage de notre site. Par la suite, nos collègues ont continué d’assumer leurs responsabilités d’enseignement de par le monde, malgré le décalage horaire. Des individus et des organisations ont joint leurs efforts en une vague de soutien sans précédent pour permettre à notre établissement scolaire de continuer à apporter une éducation de qualité à l’ensemble de nos élèves, où qu’ils et elles soient.

Tout en faisant tout notre possible pour maintenir la continuité pédagogique et soutenir notre communauté, nous avons aussi mené plusieurs campagnes de sensibilisation. Parmi elles, la campagne « Art for Peace in Ukraine », à l’initiative des élèves, a suscité beaucoup d’intérêt et incité non seulement des élèves, mais aussi des professionnelles et professionnels de l’éducation dans le monde entier à créer des œuvres d’art pour partager leur vision de la paix. Plus de 1 700 contributions nous sont parvenues de 1 000 lieux différents.

De quelle manière l’IB a-t-il soutenu la pérennité de votre établissement ?

Interagir promptement avec nous, dialoguer pour surmonter les problèmes, et s’adapter chaque fois que cela était possible afin d’aider nos élèves : tout cela a été d’une importance capitale et d’une aide précieuse.

Notre responsable du service des écoles du monde de l’IB, Pascal Ashkar, a fait le lien entre la PSI et d’autres établissements scolaires qui se sont généreusement proposés pour nous aider. La guerre a eu de profondes répercussions sur notre cohorte de 2022. Et nous éprouvons une grande reconnaissance envers l’IB d’avoir manifesté compréhension et soutien en basculant nos élèves sur un modèle d’évaluation sans examens. Toutes et tous ont enregistré de belles réussites. L’extension du calendrier des élèves du PEI a aussi changé la donne.

Pouvez-vous nous présenter la campagne PSI4Good ?

Cette campagne concerne le retour de la PSI à Kyïv, avec l’objectif de contribuer à la restructuration de l’Ukraine. Les familles auront besoin d’un établissement scolaire international comme la PSI, forte d’une communauté soudée et d’un programme d’apprentissage exceptionnel. Nous voulons être sur place pour servir cette communauté et pour contribuer à cet effort fondamental, non seulement pour l’Ukraine, mais pour le reste du monde.

La campagne a débuté lorsque j’ai pris contact avec David Willows, le fondateur de Yellow Car, pendant l’été 2022. Avec l’aide de David et de sa cofondatrice Suzette Parlevliet, ainsi que de Miles Latham et de l’équipe d’Affixxius Films, nous avons tourné un court documentaire qui raconte l’histoire de la PSI. Grâce à ToucanTech, nous avons ensuite créé une page d’accueil où il est possible de faire un don à la Pechersk School International. Toutes les personnes impliquées dans ce projet donnent de leur temps de manière purement bénévole.

L’objectif de la campagne : collecter 2,5 millions de dollars. Ces fonds serviront à :

  • agir en faveur du bien-être de nos élèves et de notre communauté, notamment en renforçant nos effectifs et notre expertise d’accompagnement psychologique et d’autres services de soutien ;
  • assurer l’entretien de notre structure temporaire sur le site de l’American School of Warsaw en parallèle du fonctionnement et de l’entretien de notre établissement de Kyïv, où la construction d’un abri antiaérien représente également une nécessité ;
  • trouver de nouveaux moyens de promouvoir notre établissement scolaire et d’attirer des élèves à l’avenir.

Rachel Caldwell a entamé son parcours dans l’enseignement dans le centre-ville de Londres, il y a plus de 30 ans. Depuis, elle a occupé des fonctions d’enseignement et de direction en République dominicaine, en Turquie, en Italie, en Chine, en Afrique du Sud, et officie aujourd’hui à Kyïv, en Ukraine (et temporairement à Varsovie). Elle est titulaire d’un diplôme universitaire de premier cycle en littérature et théâtre anglais obtenu avec mention, d’un certificat d’études supérieures en éducation, ainsi que d’un diplôme universitaire de deuxième cycle en direction et préparation au changement dans un contexte international. Elle s’est également vu décerner un certificat de l’IB en pratiques de direction. Depuis 2005, elle participe activement au réseau de collaborateurs de l’IB (IBEN) en tant qu’animatrice d’ateliers, déléguée chargée de visites d’établissement et représentante de programme de l’IB. Elle est actuellement représentante de la région Afrique, Europe et Moyen-Orient au sein du conseil des directeurs d’école du monde de l’IB. Dans le domaine de l’enseignement et de l’apprentissage, elle nourrit des passions multiples, notamment l’apprentissage reposant sur la recherche, le multilinguisme, l’inclusion et la gouvernance. Mariée et mère de famille, Rachel aime voyager, lire, danser, marcher, déguster les bons petits plats de son conjoint (un chef cuisinier italien) et passer du temps en famille et avec ses proches.