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Écouter pour apprendre : l’agentivité dans la petite enfance

Niamh Price, enseignante de maternelle, Suzhou Singapore International School, Chine

Cet article porte sur le rôle que peut jouer l’écoute dans l’apprentissage au sein d’une classe de maternelle. Il met en lumière la façon dont des enseignantes ont aidé à orienter une recherche au sujet du thème transdisciplinaire Comment nous nous exprimons en étant à l’écoute de leurs élèves.

Dans notre établissement scolaire de Suzhou, en Chine, les apprenants de maternelle s’épanouissent en tant que meneurs de leur quête de compréhension et experts des jeux qu’ils affectionnent. Ma collègue Anna et moi, dans le cadre de notre partenariat de co-enseignement, constatons souvent que notre travail consiste à écouter les apprentissages et à nous inspirer de ce que nous entendons.

Lorsque nous avons commencé notre recherche sur l’idée maîtresse selon laquelle « l’imagination étend notre capacité à penser, à créer et à nous exprimer », Anna et moi surveillions les jeux du matin en extérieur, tout en tâchant de définir ensemble le point de départ de notre recherche. Quelles provocations pourrions-nous utiliser ? Quelles histoires pourrions-nous partager ? Nous échangions à ce sujet lorsque, à quelques pas de nous, est survenu quelque chose de tout à fait extraordinaire. L’un de nos élèves s’était penché en avant pour fixer attentivement quelque chose. Il avait été rejoint par un autre, puis encore un autre, si bien qu’un petit groupe d’enfants étaient maintenant accroupis, collés les uns aux autres. Leurs petits cris d’excitation parvenaient jusqu’à nous. Je m’approchais d’eux lorsqu’un de nos élèves s’est exclamé : « Regardez ! Regardez ce qu’on a trouvé ! C’est la couverture d’une fée ! » La « couverture » en question était un emballage de bonbon doré, que tenait soigneusement dans sa main un enfant de quatre ans. Tandis que j’examinais ce trésor, nos élèves ont commencé à enrichir le conte de nouveaux éléments. « Il doit y avoir une maison de fées tout près d’ici ! Où peut-elle être ? » lança un apprenant. « J’espère que la fée n’a pas froid sans sa couverture ! » ajouta un autre. Autour d’Anna et moi se sont élevées les petites voix des enfants tout excités, prêts à partir à la recherche de traces de magie.

Voici les enfants qui ont trouvé la couverture de la fée. Ils ont rapidement été rejoints par un grand nombre d’autres enfants.

Dans le document L’apprenant dans la version améliorée du PP, on peut lire que « [l]’agentivité est présente quand des élèves œuvrent en partenariat avec des enseignants et des membres de la communauté d’apprentissage pour prendre en charge ce qu’ils apprennent, où, quand, pourquoi, et avec qui » (IB, 2017). L’agentivité des élèves est soutenue lorsque les enseignants associent les centres d’intérêt, les talents et les compétences des enfants à la recherche. Samuelsson (2008) fait remarquer que le jeu, initié par les enfants, est souvent distinct de l’apprentissage, initié par les adultes autour d’eux. Dans le cadre d’apprentissage du PP pour la petite enfance, les enseignants sont encouragés à mettre à profit les jeux des élèves pour en faire une base de la recherche, renforçant ainsi le statut du jeu et reconnaissant la compétence des enfants.

Nous avons tout de suite compris que la provocation que nous recherchions nous avait été offerte par la perspective et l’imagination de nos apprenants. Nous nous sommes empressées d’emprunter des livres sur les fées à la bibliothèque de l’établissement. Pour soutenir notre piste de recherche, qui consistait à donner vie aux histoires que nous lisons, partageons et connaissons, nous nous sommes plongées dans la mythologie des fées. Au moyen d’une croyance commune, nous avons donné vie à notre théorie selon laquelle des fées vivaient sur le terrain de jeu en concevant des vêtements et des maisons, et en fabricant des lits et des couvertures. Nous sommes naturellement passés à l’exploration de notre deuxième piste de recherche, l’utilisation inventive de matériaux du quotidien, à l’occasion de nos jeux et de nos constructions.

Portrait des fées composé par un élève à l’aide de matériaux naturels

Ce soir-là, j’ai peint une petite porte pour les fées et je l’ai suspendue à un arbre. Le lendemain pendant la session de jeu, un cri d’excitation nous a fait savoir à Anna et à moi-même qu’elle avait été découverte. Nous avons commencé à dessiner des fées, à nous demander qui pourrait vivre derrière la porte et si nous étions désormais capables de voir la porte car les fées savaient que nous croyions en leur existence. Lorsque les fées nous ont envoyé une lettre contenant les ingrédients d’une potion magique, nous avons suivi la recette et nous nous sommes demandé s’il existait derrière la porte une petite école de fées, où l’on enseignait à concocter des potions magiques et à voler. Les élèves parlaient, jouaient, dessinaient, sculptaient et dansaient pour exprimer leurs idées sur le thème de la magie qui pourrait exister autour de nous. Nous avons exploré sans peine notre dernière piste de recherche, qui portait sur les différentes façons d’exprimer des idées.

La découverte de la porte des fées à l’extérieur

It may be said that often times, we unpack our central ideas through looking at the words on a page or through a conversation without context. Had Anna and I ignored the voices beside us that fateful day in the playground, we could have had a very different inquiry. Our lesson that day was that the possibilities for magic and wonder that exist when we listen, trust and follow the leads of our students is simply phenomenal.

On pourrait dire qu’il nous arrive souvent de décortiquer nos idées maîtresses en lisant les mots qui les résument sur une feuille ou lors d’une conversation dépourvue de contexte. Si Anna et moi n’avions pas prêté attention aux voix à côté de nous en ce jour particulier sur le terrain de jeu, notre recherche aurait sans doute été bien différente. Ce jour-là, la leçon que nous avons apprise est que les possibilités de moments magiques et d’émerveillement pouvant survenir lorsque nous écoutons, faisons confiance à nos élèves et les laissons nous guider, sont tout simplement phénoménales.

Références bibliographiques

PRAMLING SAMUELSSON, I. et ASPLUND CARLSSON, M.   The Playing Learning Child: Towards a Pedagogy of Early Childhood. Scandinavian Journal of Educational Research. 2008, volume 52, numéro 6.

BACCALAURÉAT INTERNATIONAL (IB). L’apprenant dans la version améliorée du PP [en ligne]. Décembre 2017. Disponible sur Internet : <http://blogs.ibo.org/sharingpyp/files/2018/04/2017-December-The-Learner-FR.pdf>.

 

Niamh Price est originaire d’Irlande et enseigne depuis dix ans. Elle est enseignante à la Suzhou Singapore International School à Suzhou, en Chine, depuis six ans. Auparavant, elle a enseigné et travaillé avec des enfants et des familles pendant quatre ans dans différents quartiers de Dublin, en Irlande. Elle détient un diplôme universitaire de deuxième cycle en théâtre dans le domaine de l’éducation. Dans le cadre de ses études, elle s’est spécialisée dans la recherche sur le jeu et la créativité en classe pour la petite enfance. Elle est convaincue de l’importance de nouer une relation avec chaque élève qui franchit le seuil de sa classe, et s’attache à découvrir non seulement ce que chacun est capable de faire, mais aussi qui il est. Au cœur de sa pratique se trouve la mise en place d’environnements propices à la beauté, à la curiosité et à la collaboration.

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