La plupart des enseignants intègrent des « moments libres » dans l’emploi du temps hebdomadaire de leurs élèves. Dans cet article, une professionnelle de l’éducation de l’IB nous explique comment elle a utilisé ces moments pour promouvoir l’apprentissage autonome et l’agentivité chez ses élèves, et ce, en procédant à des ajustements tout simples.
Le point de départ
Pendant plusieurs années, j’ai proposé à mes élèves de 5e année des moments baptisés « Mish Mash » (méli-mélo). J’avais choisi ce nom parce que le but était de faire tout un éventail d’activités durant ces moments. Généralement, j’inscrivais au tableau une liste d’activités possibles, que je présentais souvent en deux catégories : les tâches obligatoires et les tâches facultatives. Les enfants devaient terminer les tâches obligatoires avant de passer aux tâches facultatives, qui comptaient plusieurs types d’activités, comme participer à un atelier d’écriture, lire seuls ou encore faire des jeux de mathématiques ou de langues, entre autres exemples. Certains aspects de ces moments Mish Mash, à savoir leur fréquence, le moment de la journée auquel ils avaient lieu, leur présentation, l’éventail d’activités proposées et les systèmes de responsabilité mis en place, ont évolué au fil des ans. Cependant, une chose n’a jamais changé : le niveau d’intérêt et d’engagement des élèves. Les élèves me demandaient souvent : « Est-ce qu’il y aura un moment Mish Mash aujourd’hui ? » et lorsque la réponse était affirmative, je recevais un grand « Ouiiiiii ! » accompagné de poings serrés en signe de victoire.
Les élèves commençaient ces moments Mish Mash en s’interrogeant mutuellement : « Qu’est-ce que tu fais pour Mish Mash ? » Ensuite, ils organisaient ensemble leur temps : « On n’a qu’à lire seuls pendant 15 minutes puis on se retrouve pour jouer à Bananagrams. » Ils étaient toujours très investis durant ces moments Mish Mash. Ils passaient joyeusement d’une tâche à l’autre et géraient leur temps d’une main de maître. Je m’émerveillais souvent de l’enthousiasme avec lequel ils réalisaient leurs tâches d’apprentissage. Pourquoi ces moments étaient-ils si intéressants ? Quelle était la force motrice du succès des Mish Mash ? Les élèves avaient le choix ! Leur plaisir est devenu encore plus évident lorsqu’ils ont commencé à proposer des activités pour les activités facultatives. Non seulement ils avaient le choix, mais ils faisaient entendre leur voix ! Cette manière de procéder n’a fait qu’accroître leur engagement et m’a permis d’en apprendre davantage sur leurs centres d’intérêt. C’était donc cela, le pouvoir de décision et la voix des élèves dont parlaient les professionnels de l’éducation !
Aujourd’hui, nous savons tous pertinemment que ce pouvoir de décision et cette voix font partie de l’agentivité des élèves – une qualité très appréciée que nous souhaitons développer chez nos apprenants. Je cherchais à tirer des enseignements de ce que j’avais observé durant ces séances Mish Mash pour offrir à mes élèves des occasions encore meilleures de développer leur agentivité.
J’ai commencé par leur expliquer l’importance et l’utilité de l’agentivité. Pour cela, je leur ai présenté la liste suivante.
Les élèves font preuve d’agentivité lorsqu’ils :
- influencent et dirigent leur propre apprentissage ;
- font des choix ;
- expriment leur opinion ;
- posent des questions et font part de leurs interrogations ;
- communiquent des compréhensions ;
- construisent de nouvelles interprétations ;
- participent et contribuent à la communauté d’apprentissage.
Nous avons discuté de la manière d’intégrer ces occasions dans une version améliorée de Mish Mash. Nous avons décidé d’essayer cette version un jeudi, jour où les élèves passent toute la journée dans la classe principale. C’est ainsi qu’a commencé ce que les élèves ont baptisé les « Jeudis de l’apprentissage autonome ».
Nous commençons le jeudi de l’apprentissage autonome en passant brièvement en revue le Google Doc consacré au programme de la journée. La présentation de ce document a évolué au fil des semaines au gré des retours d’information des élèves. Actuellement, il contient deux colonnes : « Doit faire » et « Peut faire ». En règle générale, la colonne « Doit faire » contient des objectifs d’apprentissage, une liste régulièrement mise à jour de propositions de ressources d’apprentissage ainsi que des suggestions pour démontrer l’apprentissage. Elle contient aussi un espace pour écrire un bref commentaire de réflexion à la fin de chaque tâche.
Les élèves sont chargés d’organiser eux-mêmes leur journée, le but étant de réaliser la totalité des activités figurant dans la colonne « Doit faire » et d’avoir du temps pour réaliser les activités de la colonne « Peut faire ». Ils prennent des décisions sur les tâches à réaliser en premier, sur celles qu’ils doivent garder pour plus tard et ainsi de suite. Cela a donné lieu à des discussions passionnantes en classe, au cours desquelles les enfants échangent sur leurs techniques de gestion du temps :
« J’aime commencer par les mathématiques, parce que j’ai l’impression que mon cerveau est plus actif le matin », nous a expliqué un élève.
« J’aime prévoir des pauses lecture durant la journée pour me détendre et me vider la tête », a affirmé un autre élève.
Les enfants peuvent aussi créer leurs « conditions pour un apprentissage optimal » – en d’autres termes, développer leur métacognition. Ils réfléchissent à l’endroit où ils vont travailler et avec qui : seuls, avec un partenaire ou en petit groupe. Durant nos bilans, les enfants expliquent ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné :
« Le fait de travailler les fractions avec un autre élève m’a vraiment aidé, mais j’ai aimé travailler seul sur l’unité de recherche, parce que j’ai pu me concentrer davantage sur l’article de Newsela », nous a expliqué un élève.
« Écouter de la musique m’aide à m’enfermer dans une bulle pendant que j’écris », nous a confié un autre élève. Récemment, nous avons décidé que les enfants organiseraient aussi leur travail pour le soir durant les jeudis de l’apprentissage autonome. Certains enfants décident de consacrer davantage de temps aux activités de la colonne « Peut faire » durant la journée et de garder les activités de la colonne « Doit faire » pour le soir. D’autres préfèrent faire l’inverse. Dans un cas comme dans l’autre, ils doivent me présenter leur plan avant de quitter l’école et rendre des comptes le lendemain.
Le rôle de l’enseignant
Le jeudi est devenu la journée la plus agréable et la plus productive de la semaine ! Je propose souvent d’animer des séances : « Qui aimerait travailler sur les fractions avec moi ? Quand nous réunissons-nous ? » Outre ces séances, je passe ma journée à aller de table en table, à aider les élèves, à les observer et à leur donner des explications. J’ai constaté que les jeudis de l’apprentissage autonome me permettaient de passer davantage de temps de qualité avec les enfants et d’apprendre à mieux les cerner en tant qu’apprenants. Il m’arrive parfois de me mettre en retrait pour observer ce qu’il se passe autour de moi. C’est tellement satisfaisant de voir tous les élèves s’investir autant. Ils sont vraiment aux commandes – ils prennent leurs propres décisions et s’approprient leur apprentissage. J’en viens presque à me sentir inutile et superflue, ce qui montre que les enfants sont vraiment en bonne voie pour devenir des apprenants autonomes. Quoi de plus gratifiant ?
Les prochaines étapes
Les élèves décident de ce qu’ils font, du moment auquel ils le font et avec quelles personnes, mais actuellement, c’est toujours l’enseignant qui planifie le contenu. Certes, j’ai intégré des choix, qui permettent de passer à des niveaux différents, mais c’est moi qui fixe tous les objectifs et qui mets à jour les tâches et les ressources. À terme, j’adorerais instaurer un système qui permet aux élèves de s’approprier encore plus leur apprentissage en choisissant eux-mêmes les objectifs qui leur sont les plus utiles et en les impliquant dans la conception de parcours d’apprentissage qui les aideront à mieux répondre à leurs objectifs.
Avec les jeudis de l’apprentissage autonome, les élèves prennent davantage de décisions, donnent leur avis sur les exercices d’apprentissage et influencent et dirigent davantage leur apprentissage. En bref, ces jeudis sont un tremplin vers une véritable agentivité pour nos élèves !
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Lauren Grahame travaille depuis près de 30 ans dans l’éducation. Elle enseigne à l’Istanbul International Community School depuis plus de 15 ans. Elle est fermement convaincue que les enseignants doivent se comporter en apprenants permanents et continuer de parfaire leurs meilleures pratiques. Grande fan de Pearl Jam, elle assiste aux concerts du groupe aussi souvent que possible. Vous pouvez la suivre sur Twitter, via le compte @LaurenGrahame11.
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