Top Nav Breadcrumb - French0

Diriger l’apprentissage dans la petite enfance : collaboration et programme d’études émergent

Niamh Price est enseignante de maternelle et coordonnatrice à la Suzhou Singapore International School, en Chine.

Cet article examine comment une équipe d’enseignants de la petite enfance ont repensé la conception de l’apprentissage dans leur année/niveau. Les enseignants ont réexaminé les racines de leur philosophie personnelle avant d’instaurer une culture de collaboration et de recherche au sein de leur équipe enseignante, ce qui a transformé leur programme et leurs interactions avec les élèves.

À la Suzhou Singapore International School, la maternelle s’occupe de nos plus jeunes apprenants âgés de deux et trois ans. Je rédige cet article en tant que coordonnatrice de niveau dirigeant une équipe de quatre enseignants. Nous avons révisé notre programme et nous sommes passés à un modèle de programme d’études émergent au centre duquel sont placées la voix et l’agentivité de l’élève.

Cet article s’intéresse à la collaboration qui a conduit les membres de mon équipe à se rassembler autour d’une vision commune d’une pratique authentique et centrée sur l’enfant, dans laquelle les élèves sont les agents de leur propre apprentissage. Nous avons remis en question les convictions auxquelles nous sommes attachés en tant qu’enseignants, et nous avons développé une vision de nos élèves en tant qu’apprenants compétents qui participent à la création de découvertes, d’innovations et d’apprentissage.

Notre établissement a chargé chaque équipe enseignante d’analyser la publication de l’IB intitulée L’apprenant, qui considère le jeune apprenant comme un agent qui exprime ses opinions, fait des choix et s’approprie son apprentissage. Cette démarche a créé un effet d’entraînement et suscité une série de discussions, d’apprentissages et de réflexions qui ont abouti au remaniement de notre programme.

Mettre en place les conditions propices au changement a constitué une première étape essentielle. Avec le soutien de l’équipe de direction générale, j’ai contribué au perfectionnement professionnel des membres de mon équipe de maternelle, parallèlement à nos réunions de planification hebdomadaires. L’objectif de départ était de cultiver un état d’esprit commun : créer un espace où nous pourrions parler sans être jugés, partager des idées sans censure et, finalement, nous rapprocher en tant que professionnels de l’éducation en nous appuyant sur nos points communs.

Nous avons décidé de prendre le risque de repenser notre programme en construisant l’apprentissage avec les élèves, non seulement en théorie, mais aussi dans la pratique. Il fallait pour cela devenir vulnérables en nous éloignant de l’approche « on a toujours fait comme ça » pour essayer quelque chose de différent. Jusqu’à ce jour, le programme avait suivi un modèle de planification annuel comportant des thèmes récurrents. Susan Stacey estime que « lorsque les méthodes d’enseignement sont reprises des enseignants précédents et ne sont pas examinées, le programme d’études devient éculé. Une telle situation ne profite ni aux enfants […] ni à leurs enseignants » (2009, p. 10 ; traduction libre). Une approche émergente, centrée sur la recherche et l’agentivité, suppose de renverser la situation et de repartir de zéro : laisser les enfants nous guider au lieu que les enseignants soient les seuls à tracer la voie (ce qui pourrait nous conduire à l’échec). La remarque de Brené Brown sur la vulnérabilité illustre l’essence de la première étape de notre collaboration : « La vulnérabilité, ce n’est pas gagner ou perdre. C’est avoir le courage de se montrer quand on ne peut pas contrôler le résultat. » (2018, p. 19 ; traduction libre)

Il était crucial de commencer par instaurer la confiance et créer un espace sûr dans lequel nous pouvions être vulnérables. Notre enthousiasme grandissait à mesure que nous nous débarrassions des habitudes de pensée ancrées en nous et que nous osions imaginer ce à quoi pourrait ressembler notre programme d’études idéal. Nous avons discuté et pris des notes, en donnant libre cours à nos idées.

Voici le résultat du premier remue-méninges de l’équipe de maternelle

Nous avons longuement discuté de l’enthousiasme des enfants, du calme des enseignants et du temps, qui est le souhait le plus insaisissable de ces derniers.

À partir de cette première immersion dans notre propre processus de réflexion, j’ai guidé mon équipe dans une « mini mise à niveau » en matière de pratique émergente durant nos réunions de collaboration hebdomadaires. Ces enseignants remarquables ont, à leur tour, apporté leurs propres livres, photos et idées, puis les ont partagés pour nous permettre d’apprendre les uns des autres. Nous avons examiné les caractéristiques de pratiques de recherche et de pratiques authentiques fondées sur le jeu issues du monde entier, en recherchant leurs points communs, en examinant leurs différences et en enrichissant chaque semaine notre propre compréhension des pratiques émergentes. Parallèlement à notre recherche, nous nous sommes efforcés d’être des interlocuteurs empathiques et ouverts, en évitant de porter des jugements et en nous attachant à apprendre les uns des autres et à nous remettre en question mutuellement de manière respectueuse.

Le développement de notre programme émergent a été mené en suivant deux voies parallèles. La première voie était le perfectionnement professionnel des enseignants, ponctué d’intenses discussions et réflexions au cours de nos réunions de collaboration.

La seconde voie consistait à passer de la théorie à la pratique, ce qui a nécessité une planification minutieuse et une observation méticuleuse de nos élèves. Consigner nos observations sur leur courbe de développement et leur socialisation émergente nous a permis de dégager deux thèmes principaux pour notre premier semestre. Les six premières semaines ont été consacrées à l’exploration de l’identité et de l’appartenance : se détacher de ses parents et nouer de nouvelles relations en dehors du foyer. Notre idée maîtresse émergente était « J’ai une place à la maison et une à l’école ». Cette idée a façonné nos interactions, l’aménagement de notre salle et les activités d’apprentissage que nous avons organisées. Chaque étape a été déterminée en fonction des indices observés chez nos élèves. Une fois que les enfants se sont installés, nous avons observé une tendance à la communication émergente, un nouvel élément à explorer qui s’est naturellement imposé. Nous avons utilisé l’idée maîtresse émergente « J’utilise des sons, des mots et des mouvements pour communiquer » comme énoncé général à partir duquel les observations et les activités d’apprentissage pouvaient être documentées et structurées. Pour nos idées maîtresses, nous avons délibérément choisi des énoncés faisant appel au « je » pour la simple raison que, sur le plan du développement, nos enfants sont au stade du « je ».

Notre équipe a utilisé l’application Sway de Microsoft Office. Cet outil nous a permis d’accéder à un espace numérique partagé dans lequel chaque enseignant pouvait apporter sa contribution. Cet espace central nous a permis de documenter nos observations sociales et celles liées à l’apprentissage afin de dresser un portrait de chaque enfant ou petit groupe d’apprenants. Ces observations ont servi de base à nos réunions de planification et à nos discussions professionnelles : Qu’avons-nous vu cette semaine ? Comment pouvons-nous élargir l’apprentissage ou collaborer avec nos élèves pour enrichir leurs découvertes ?

Chaque tableau Sway comprenait une explication pour les enseignants qui énonçait le but et les attentes en matière de collaboration. Cette façon de procéder a permis à chaque membre de l’équipe de rendre des comptes et d’être certain de son rôle dans la création de notre apprentissage commun.

Notre accord essentiel concernant la publication de contributions sur Sway

Il s’agit d’un exemple de message affiché sur notre document Sway. Il montre comment je me suis appuyée sur les idées de la personne avec qui j’ai collaboré en tant qu’enseignante. Ce message présente de nombreux avantages pour toute équipe du Programme primaire : un enseignant qui documente l’apprentissage de ses élèves, la façon dont le travail d’un enseignant peut stimuler la réflexion d’un autre enseignant et la possibilité d’utiliser ce type de documentation pour la planification et la réflexion à venir.

Exemple de documentation

En prenant le temps, au début de l’année, de définir notre philosophie commune, ancrée dans le PP et l’apprentissage émergent fondé sur le jeu, nous avons commencé à établir des liens en tant que professionnels en plaçant les élèves au cœur de nos activités. En consignant nos réflexions et nos observations dans un espace centralisé et accessible grâce à Sway, chacun de nous a pu influencer et faire évoluer les réflexions des autres. Toutes les décisions étaient prises dans le meilleur intérêt de l’apprenant, sur la base de preuves claires et documentées de ses centres d’intérêt, de ses progrès, de ses défis et de ses réalisations.

Dans le document intitulé L’apprenant (2018, p. 1), on peut lire : « Notre conception de l’apprenant est le pivot de notre approche globale de l’apprentissage et de l’enseignement. » Le présent article propose que, lorsque nous dirigeons des équipes chargées d’un même niveau dans le contexte de la petite enfance du PP, nous le fassions avec courage. La transition vers un modèle de planification et de documentation plus réfléchi, où l’apprenant est placé au centre, garantit que les enfants âgés de trois ans seront prêts à intégrer le PP en étant des apprenants confiants et compétents, experts pour guider leurs enseignants et montrer la voie à suivre pour leur propre apprentissage.

Bibliographie

  • BROWN, B. 2018. Dare To Lead: Brave Work, Tough Conversations, Whole Hearts. New York, États-Unis : Random House.
  • ORGANISATION DU BACCALAURÉAT INTERNATIONAL. 2018. L’apprenant. Royaume-Uni : Peterson House.
  • STACEY, S. 2009. Emergent Curriculum in Early Childhood Settings: From Theory to Practice.St Paul, (Minnesota), États-Unis : Readleaf Press.

 

Niamh Price est enseignante de maternelle et coordonnatrice à la Suzhou Singapore International School, en Chine. Elle y enseigne depuis huit ans. Auparavant, elle a enseigné et travaillé avec des enfants et des familles dans différents quartiers de Dublin, en Irlande. Elle détient un diplôme universitaire de deuxième cycle en théâtre dans le domaine de l’éducation. Dans le cadre de ses études, elle s’est spécialisée dans la recherche sur le jeu et la créativité en classe pour la petite enfance. Elle est convaincue de l’importance de nouer une relation avec chaque élève qui franchit le seuil de sa classe, et s’attache à découvrir non seulement ce que chacun est capable de faire, mais aussi qui il est. Au cœur de sa pratique se trouve la mise en place d’environnements propices à la beauté, à la curiosité et à la collaboration.

No comments yet.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.