Ce billet s’inspire d’expériences vécues dans le contexte de la petite enfance du Programme primaire en Suisse. Il présente des réflexions sur la manière dont les approches de l’apprentissage peuvent être des outils efficaces pour renforcer l’identité des enfants en matière d’agentivité, en accordant une attention particulière aux environnements, aux experts et au discours des enseignants.
Par Andrea Mills
De jeunes enfants ont été invités à faire part de leurs réflexions sur ce que signifie être un chercheur.
« C’est quelqu’un qui aime découvrir ou rechercher des choses. Comme si on était des scientifiques. On découvre des choses. » – K., 4 ans
« Nous observons les arbres et peut-être qu’ils ont changé. Peut-être qu’ils sont roses maintenant. Peut-être qu’on peut en prendre note. » – R., 3 ans
« Nous avons besoin du bon matériel, comme peut-être ces lunettes [loupes] ». – K., 4 ans
« Peut-être que si je trouve l’idée de quelque chose. Peut-être que je la trouverai dans un livre ou peut-être que je vais dire à [ma sœur] que je vais être celui qui va le savoir. Qui l’a découverte. » – D., 4 ans
Ces réflexions d’enfants de trois et quatre ans sont des idées qui ont été soigneusement développées dans le cadre de recherches approfondies et d’une culture de la salle de classe qui s’efforce activement d’entretenir le sens de l’agentivité. En tant que professionnels de l’éducation, nous avons constaté qu’une réflexion approfondie sur les approches de l’apprentissage comme outils pour renforcer l’identité des enfants en tant que scientifiques, créateurs, artistes et, dans l’exemple ci-dessus, en tant que chercheurs, a structuré la manière dont nous planifions les explorations liées aux recherches.
Les réflexions des jeunes enfants sur ce que signifie être un chercheur montrent clairement qu’ils sont tout à fait capables de développer pleinement une remarquable conscience de soi. Sans aucune hésitation, ils s’identifient comme des chercheurs, des citoyens de notre communauté qui sont tout à fait capables de participer activement à la construction de sens et qui possèdent des images et des identités solides en tant qu’apprenants.
De nombreux enfants de notre communauté scolaire apprennent l’anglais en tant que langue supplémentaire, c’est pourquoi nous, les professionnels de l’éducation, proposons également d’autres moyens pour les enfants de faire part de leurs réflexions et de nous dire qui ils sont en tant qu’apprenants. Un dessin scientifique tracé en toute confiance, la facilité à utiliser des matériaux pour représenter des idées : ces traces d’apprentissage nous fournissent de nombreuses informations sur l’agentivité, l’identité et l’apprentissage.
Mais revenons à ces idées partagées de manière éloquente sur ce que signifie être un chercheur… En tant qu’enseignants, nous avons réfléchi à la manière dont les pistes de recherche et les propositions associées visant à soutenir les objectifs d’apprentissage pourraient être optimisées sous l’angle des approches de l’apprentissage. En explorant l’idée de développer les compétences du chercheur (ou celles de l’apprenant sensé, communicatif, etc.) comme élément central de la planification, nous avons déterminé trois domaines qui ont produit un effet important, à savoir : les environnements d’apprentissage, les experts et le langage (le discours de l’enseignant).
« Les enfants ont un don inné pour la recherche, et un environnement extérieur ouvert favorise intrinsèquement le sens de l’émerveillement et un espace propice au questionnement, à la recherche et à l’élaboration de théories. »
Environnements d’apprentissage
Dans le cadre de la recherche sur les façons dont « l’exploration et la protection de l’environnement mènent aux découvertes et à l’émerveillement » (Le partage de la planète), une grande partie du « travail de terrain » se déroule dans des environnements extérieurs. Le temps consacré à l’apprentissage à l’extérieur dans la forêt, autour de l’étang et dans le jardin est une source d’inspiration pour l’observation, le questionnement et la collecte de données. Les enfants ont un don inné pour la recherche, et un environnement extérieur ouvert favorise intrinsèquement le sens de l’émerveillement et un espace propice au questionnement, à la recherche et à l’élaboration de théories. L’extérieur est l’espace par excellence pour développer les compétences en recherche, mais il en existe d’autres. Les salles de classe, par exemple, ont un potentiel infini pour renforcer l’identité et l’agentivité. Pour en apprendre davantage à ce sujet auprès de mes anciennes collègues très compétentes et de moi-même, cliquez ici (en anglais uniquement).
Experts : autre approche
Les occasions d’entrer en contact avec des membres de la communauté au sens large ont été des éléments importants de nombre de nos recherches. Un musicien, une ingénieure et un danseur professionnel sont quelques exemples d’experts que nous avons accueillis. Ces rencontres sont souvent l’occasion d’engager un dialogue fructueux, de partager des compétences et de créer des liens. En tant qu’équipe, nous avons beaucoup réfléchi à la manière dont nous pourrions optimiser ces visites. Pour aller au-delà de la traditionnelle invitation à venir présenter une expertise, nous nous sommes interrogés sur la façon dont nous pourrions repenser ces expériences dans le but de recadrer la relation entre les enfants et les experts invités.
Récemment, nous avons eu la chance de recevoir la visite d’un scientifique dans le cadre d’une recherche axée sur la science. Avant la rencontre, nous avons dit que « Monsieur O » était intéressé par le travail, les projets et les recherches des enfants et que, en tant que scientifique professionnel, il pourrait avoir des idées intéressantes à partager avec nous. Les enfants avaient très envie de lui faire part d’un projet de mélange de couleurs en cours. Monsieur O a pu établir des liens avec son travail en expliquant, entre autres, que ses recherches se déroulent également dans un laboratoire semblable à notre salle de classe. Bien sûr, cela a demandé une certaine préparation et un travail en amont de la part de notre invité, mais il était heureux que les enseignants lui fournissent une orientation. Il s’est dit impressionné par le travail des enfants et a souligné que, de son point de vue, il était logique que ce soit lui qui établisse un lien avec leur travail et non l’inverse. Notre objectif était de développer activement l’identité des enfants en tant que chercheurs et scientifiques en valorisant leur travail en temps réel, au lieu de le considérer comme un prélude à ce qu’ils pourraient un jour aspirer à faire : de cette façon, une évolution du rôle d’expert s’opère en faveur d’un dialogue entre chercheurs.
« En réfléchissant aux mots que nous utilisons pour décrire les enfants, nous nous sommes interrogés, en tant qu’enseignants, sur la manière dont cette représentation forte des enfants comme apprenants pourrait influencer la façon dont nous nous adressons à eux et aux autres dans nos communautés au sein des classes. »
Langage (le discours de l’enseignant)
Les enseignants du PP mènent d’importantes réflexions sur la façon de favoriser le développement des qualités du profil de l’apprenant de l’IB. Dans le contexte de mon établissement, certains d’entre nous ont consacré du temps à développer une compréhension commune des jeunes enfants comme des apprenants compétents, curieux et motivés à participer activement à leur apprentissage. En réfléchissant aux mots que nous utilisons pour décrire les enfants, nous nous sommes interrogés, en tant qu’enseignants, sur la manière dont cette représentation forte des enfants comme apprenants pourrait influencer la façon dont nous nous adressons à eux et aux autres dans nos communautés au sein des classes. Pour en revenir à ces jeunes enfants et chercheurs accomplis dont nous avons parlé au début de ce billet, nous constatons que leurs paroles sont fortement empreintes d’un sentiment d’agentivité. Ils ont spontanément employé des verbes d’action comme « rechercher », « découvrir », « trouver ». Ils se sont identifiés eux-mêmes comme étant des chercheurs. Ils savaient de quels « outils » ils avaient besoin. En tant qu’enseignants, nous espérons que notre utilisation consciente d’un langage valorisant a contribué à la métacognition des enfants, aux idées qu’ils se font d’eux-mêmes, en tant qu’apprenants.
Pour la plupart des professionnels de l’éducation, la planification quotidienne de l’enseignement et de l’apprentissage est un travail pratique, souvent créatif, mais il s’agit aussi d’un travail désintéressé qui exige généralement beaucoup de temps. Le temps que nous consacrons à réfléchir aux effets de nos choix sur l’identité des enfants en matière d’agentivité, afin qu’ils apprennent tout au long de leur vie, est aussi un temps pour admirer le magnifique travail réalisé dans l’enseignement de la petite enfance.
Andrea Mills travaille actuellement comme enseignante dans le primaire et « atelieriste » spécialiste des arts à l’Inter-Community School Zurich. Originaire des États-Unis, elle a acquis un large éventail d’expériences dans les écoles internationales. Passionnée par l’apprentissage fondé sur le jeu, elle a également suivi la formation du programme Forest school et s’inspire des projets éducatifs de l’approche de Reggio Emilia.
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