Cet article vous invite dans une classe de maternelle pour découvrir ce à quoi l’apprentissage authentique des mathématiques peut ressembler. Il s’agit d’une classe où les mathématiques font partie intégrante des jeux des enfants, des recherches organisées à leur initiative et, aussi, des recherches menées par l’enseignant.
En tant que professionnels et professionnelles de l’éducation, nous avons un rôle essentiel à jouer pour aider les enfants à comprendre les idées mathématiques dans leurs jeux, dans leur vie et dans le monde qui les entoure. Les processus et les grandes idées mathématiques doivent être explorés dans des contextes authentiques.
« La numératie fait appel aux aptitudes (connaissances, compétences et dispositions) nécessaires pour comprendre et utiliser des concepts mathématiques dans un large éventail de contextes. C’est un langage qui nous sert à communiquer. Les jeunes apprenants développent leurs aptitudes en numératie au quotidien. Le jeu leur permet d’explorer et de donner du sens au monde, en cherchant des modèles, en manipulant des formes, en mesurant, en organisant, en comparant, en situant, en comptant et en regroupant, en estimant, en reliant, en jouant avec les possibilités, en présentant des problèmes et en les résolvant. » La petite enfance dans le cadre du Programme primaire.
Je valorise la recherche et l’apprentissage conceptuel pour que les enfants deviennent des mathématiciens curieux, capables de comprendre des idées complexes dans des contextes stimulants et pertinents. Le cadre « apprentissage, apprentissage de et apprentissage par » de Halliday trouve toujours écho en moi. Il évoque pour moi l’importance des attitudes, de la passion et de l’état d’esprit d’une personne s’impliquant activement dans une discipline (apprentissage) ainsi que les connaissances, compétences et concepts mathématiques ciblés (apprentissage de) et la manière dont la discipline est réellement liée aux autres disciplines et contextes (apprentissage par). J’ai écrit davantage sur Halliday sur mon blog (en anglais).
Dans son ouvrage Concept-Based Mathematics (en anglais), Jennifer Wathall souligne l’importance des processus en mathématiques. Des concepts sont tirés de ces processus tout en fournissant une approche permettant de dépasser le simple fait de « faire des mathématiques » afin de comprendre les raisons des mathématiques.
Cet article parle des mathématiques dans ma classe de maternelle durant les trois premiers mois de l’année scolaire.
Les rituels
Chaque matin, les enfants déplacent leur photographie pour signaler leur présence. Toute la classe réfléchit ensuite au nombre d’élèves présents ce jour-là à l’école et à la manière de le savoir, et diverses stratégies sont mises en commun.
Chaque jour, il y a un message du matin. Le jour de la semaine, le mois, l’année et la date sont autant d’occasions de lire différents chiffres et mots, et d’explorer des modèles.
Il y a aussi une question de mathématiques qui permet de s’intéresser à une grande idée. Nous avons passé plusieurs semaines à utiliser la quantification immédiate et à comparer les stratégies de comptage en utilisant les chiffres en constellation, et nous nous intéressons maintenant aux estimations en utilisant différents objets. L’expression « Combien (de)… ? » fait partie de ces deux processus. Cela a suscité différents questionnements et regroupements par centres d’intérêt au sein de l’établissement pour compter le nombre de pas, d’enseignants et de salles.
Le jeu
Cette semaine, un groupe d’élèves a construit un mur en Lego en réfléchissant à sa forme, à son orientation, à l’espace et à l’endroit tout en s’assurant d’ajouter des rangs sans laisser de trous. La construction est un choix courant. En essayant de construire les structures les plus hautes possible, les enfants ont commencé à comparer les hauteurs. J’ai ajouté une règle d’un mètre à leur jeu, ce qui les a conduits à voir qui et quoi était plus grand ou plus petit qu’un mètre. La construction entraîne souvent l’exploration des formes, des tailles et de l’espace en utilisant différents matériaux, comme des tuiles de construction Magna-Tiles, des blocs Kapla et des bâtonnets à assembler.
La plupart des enfants aiment dessiner et colorier. Présenter différents types de papier (triangulaire, carré et isométrique) les a incités à jouer avec les formes, les motifs et la symétrie.
Différents jeux, labyrinthes et puzzles sont à la disposition des enfants. Pour y jouer, les enfants doivent faire preuve de logique, utiliser un raisonnement et faire appel à la pensée stratégique, ce qui mène à des conversations fascinantes sur les processus. Certains enfants préfèrent jouer avec des abeilles Bee-Bot pour explorer les directions et les distances.
Nous exploitons l’intérêt des enfants pour les objets à manipuler de type Pop-It en mettant à leur disposition des Pop-It de différentes formes et avec différents nombres. Écrire les nombres jusqu’à 100 a plu à de nombreux enfants qui, même s’ils avaient des difficultés avec les chiffres de la dizaine, sont arrivés à reconnaître des schémas et ont pressé les bulles de nombres jusqu’à 100.
Les environnements d’apprentissage
Notre environnement d’apprentissage est composé de beaucoup d’éléments disparates. Leur nature ouverte offre des possibilités illimitées. Les enfants trient des boutons, conçoivent des bracelets-tubes avec des motifs et construisent à l’extérieur des murs d’eau à l’aide de tubes et de tuyaux. Ils jouent aussi avec des balances pour faire des comparaisons.
Former des chiffres dans l’air ou les tracer dans du sel ou sur du papier peut être difficile pour de nombreux enfants qui ont du mal à savoir où commencer et inversent souvent les chiffres. Nous avons donc affiché des chiffres pour servir de modèle.
Il y a un escalier en colimaçon qui relie le couloir de la petite enfance à l’aire de jeu. En septembre, nous avons affiché les chiffres de 1 à 10, et les élèves de maternelle comptaient souvent à l’endroit et à l’envers. Nous venons de remplacer ces nombres par les nombres de 0 à 20 et en les comptant de 2 en 2, ce qui a suscité de nombreux dialogues et comptes à voix haute.
La salle de classe comprend des modèles et des outils pour favoriser la pensée mathématique. Je les utilise souvent avec des groupes d’enfants pour cibler des concepts spécifiques, par exemple les droites numériques, les carrés de 100, les boîtes à nombres, le jeu Numicon, les abaques et les jeux comme le bingo. En outre, les cours de mathématiques en classe entière s’articulent autour de concepts et de compétences mathématiques spécifiques. Les instructions explicites, le questionnement de haut niveau et l’illustration du langage mathématique dans des contextes denses ne sont pas les ennemis de l’apprentissage reposant sur la recherche. L’ouvrage de Jo Boaler intitulé Mindset Mathematics - Grade K (en anglais) est une formidable source d’inspiration pour ces recherches ciblées.
Les histoires
Les histoires sont une activité quotidienne en maternelle. Elles comprennent les livres d’images, les poésies, les rimes, les chansons et les vidéos. Souvent, les histoires sont fondées sur des nombres, des schémas, des répétitions, des unités de mesure, des formes et des espaces.
La ville comme salle de classe
Au moins une fois par semaine, nous nous aventurons dans Paris. La semaine dernière, nous avons marché dans les rues pour rechercher de formes en 2D et 3D. Les chasses aux formes de ce type sont des exemples d’explorations accessibles et à fort potentiel qui permettent à tous de participer sans limiter l’apprentissage. Certains élèves de 5 ans ont trouvé des formes à 7, 9 et 12 côtés, et ont voulu apprendre leur nom. Un enfant a demandé le nom d’une forme à deux côtés. Cette question a été reposée à la classe pour mettre les élèves au défi de dessiner une forme à deux côtés. Un autre jour, les enfants ont compté les différentes formes qu’ils ont vues.
Nous nous rendons aussi sur un sentier de promenade pour jouer et organiser des chasses au trésor et des défis d’équipe. Lors de ces sorties, de nombreux enfants comptent le nombre d’objets qu’ils trouvent ou créent des formes à l’aide de matériaux. Ils remarquent et lisent davantage les grands nombres.
Parfois, les enfants explorent différents endroits selon leurs centres d’intérêt. Par exemple, la curiosité d’un groupe d’enfants a été attirée par un magasin de fruits et légumes : les enfants ont remarqué les prix de divers articles, et ils ont spontanément comparé les prix des différents fruits et légumes.
Un autre groupe s’est intéressé au métro. Un employé a donné un plan du métro aux enfants, qui étaient fascinés par ce réseau de lignes et de directions, et par la manière d’appréhender cette représentation symbolique de Paris. Certains enfants ont ensuite créé leur propre plan.
Notre module de recherche actuel sur le thème Comment le monde fonctionne est axé sur le concept des structures. Nous nous sommes rendus sur les quais de Seine pour y observer les ponts. En réfléchissant à cette sortie, certains enfants se sont intéressés aux mesures liées au pont que nous avons traversé (sa hauteur et sa longueur).
J’ai présenté Google Maps, et les enfants ont exploré les symboles des unités de mesure. Certains enfants ont choisi de continuer à jouer avec cette application et Google Earth pour explorer l’endroit, les directions et les mesures.
Sean Walker est enseignant de maternelle à l’ISP. Il enseigne depuis 25 ans, et c’est sa première année en tant qu’enseignant dans le cadre de la petite enfance. Il anime des ateliers en présentiel et en ligne pour l’IB, et s’intéresse particulièrement au jeu, à l’apprentissage conceptuel et à la recherche.
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